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La Maquette (12 Le feu)





Les deux derniers épisodes, le onzième et le douzième, qui concluent La Maquette,
se lisent en italien dans une splendide, ample et lumineuse traduction
du poète Francesco Marotta,
à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/06/03/il-plastico-11/
 
YB

Si la maquette-masque ne prend pas feu
c’est qu’elle est plus forte que le feu
de haine, guerre et confusion.
 
Son père est un tout autre feu, elle l’honore.
De ce feu paternel peu est su
car c’est très profond sous la croûte terrestre
qu’il brûle et ronfle et nourrit et brûle,
très profond sous le fond des océans,
très profond sous la peau de la personne.
Il remue et tourne sur lui-même,
magma dit-on, jaillissant parfois
en crevant la croûte des roches froides pour
répandre destruction, recomposition et fertilité
à la surface des îles et des terres longues.
 
A ce feu paternel la maquette-masque
doit aussi d’avoir la forme d’un volcan,
d’un sein solitaire dont unique au monde
est la mélancolie scintillante
car son téton nourricier est en bas
dans l’ombre de l’orgueilleux sein,
son téton, la source rouge de la parole.
 
Sa mère est le bois le plus vif, aubier
du chêne millénaire, travaillé en poutres et
planches, poutres et planches ayant porté
et abrité humaine famille en la maison.
Et maintenant broyé broyé broyé
et étiré en rames de papier.
Et le papier a blanchi, a porté les mots écrits,
les comptes du commerçant, l’inventaire âcre
du notaire, les dettes étrangleuses et les contrats
sibyllins. Puis intoxiquée par sa propre honte,
la mère a refusé,
le bois a refusé, a reverdi et le papier a porté
les messages secrets de l’amour, les dernières
pensées des condamnés, les appels des Résistants,
en somme la beauté humaine.
 
Et quand le maternel vacarme des siècles en lutte
a trouvé meilleure voie, il a porté vie.
Bois, a tant porté vie qu’un soir il s’est fané
et la mère harassée a voulu partir.
Mais nous l’avons tant aimée que pour nous
elle s’est pliée et froissée et mêlée et broyée,
devenant le carton dont se crée la maquette.
 
Je veux que la maquette follement impudique
soit la précaution, le masque qui permet de danser
malgré les giclures acides de la guerre, de la violence
et de la bêtise et de traverser leurs flammes racistes.
 
Je veux qu’elle soit le masque qui permet
de respirer, inspirer, expirer par le feu réel
et avec le réel feu du magma, par la puissante
naissance de la vie et par la somptueuse
avalanche qui retourne à sa naissance.
 
Je veux que la maquette follement utopique
soit le masque qui porte la voix et grâce auquel
je clame et tu clames et nous clamons ce que
dévaluent la frigide écriture et l’académisme,
cela qui foisonne dans nos âmes et nos corps,
le furieux dialogue qui nous lie
et nous fait aimer qu’un rythme, un chœur,
un théâtre rendent aimable cette fureur en dédoublant
la parole incandescente, la parole de la parole,
en son ombre et en elle-même,
souffle inspirant expirant du mot
et de son petit frère le bref silence mettant
au monde le mot suivant.
 
Ainsi va la vie de la maquette,
la vie marchant allant pivotant autour de
la source rouge de la parole.

La Maquette (11 Le masque)

Glissent vivement les unes sur les autres
les couches de l’air. Et ainsi se déchirent
les nuages.
S’entremêlent les eaux contradictoires
de l’estuaire.
Se repose le sable des dunes
mais se meut la dune et se meut la dune.
Se froissent au rythme des siècles
les strates rocheuses de la colline.
Se frottent au rythme des mois les découpes
de carton ondulé de la maquette.
 
Martinets, chanteuses et marcheurs savent
où s’harmonise le mouvement,
où se met la vie à chanter,
où se met le chœur à vivre.
 
Cheval blanc, tailleur de pierre, pierre-ciel,
oiseau d’immenses ailes savent
où s’harmonisent le choeur qui va,
la grande figure qui respire ; d’elle
ils sont les sourcils, le front, les petites rides
au coin de ses yeux, et la fossette
à la commissure de ses lèvres.
Mais sa chevelure doit à jamais
rester libre et de plein vent.
 
Dans les eaux trop souvent furieuses
et sombres, dans le creux de feu noir
a plongé au temps de l’Odyssée
un homme aux robustes chevilles,
à la plante des pieds large,
aux poumons de dauphin.
Il a cherché au fond des eaux,
il a cherché en vain, il a cherché
comment refouler le feu noir
dans une nasse de bronze au fond de l’abîme.
Trois jours après, à bout, hors d’haleine
il a refait surface, désolé de son échec.
Ce qui lui ruisselait était larmes et sel.
 
Dans le creux de drame noir,
dans le tourbillon furieux de la violence
a plongé au temps des grandes Résistances
une femme aux bras plus souples que nageoires,
aux poumons d’albatros.
Elle a cherché au fond des eaux,
elle a cherché en vain, elle a cherché
comment retenir et éteindre l’huile noire en feu
dans la plus profonde grotte sous-marine.
Trois ans après, à bout, hors d’haleine
elle a refait surface, effrayée que la violence
sauvage puisse comme une bête immonde
naître encore et encore.
Ce qui ruisselait sur son corps rongé de sel
était la lucidité, la ténacité, l’espoir.
 
Ces jours-ci où la tempête fait rage,
ces semaines ci où la tempête par crises
pourrait être plus stupide encore, plus dévastatrice,
une personne est survenue, un cheval blanc
à sa droite, un oiseau d’immenses ailes
à sa gauche ; il nous a laissés sur la rive
et a plongé, inspirant l’air
dans tout le volume de ses poumons.
Or cette personne ne refait pas surface.
Ni le cheval ni l’oiseau ne s’inquiètent.
On entend ses pieds battre comme des palmes,
à rythme profond et régulier, les masses
les plus abyssales des eaux sombres.
On entend son souffle alterné fusant vers
les nuages et y devenir le tailleur de roche
aux bras inlassables.
 
Cette personne reste au fond des eaux,
enfant perpétuel au creux du feu
où il ne brûle pas car il est le jaillissement
même de la parole. Il porte très haut au dessus
de sa tête la maquette, articulable, souple,
sensible, jeune masque de carton ondulé,
friable et ludique, jeune masque
enflé à la surface des eaux de feu,
chaloupe qui ne coulera jamais,
terre légère peut-être, île utopique.
Sa boussole est la source rouge de la parole.

La Maquette (10 Le visage)

Ce dixième épisode de La Maquette se lit en italien dans une traduction claire et dynamique du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/29/il-plastico-10/

YB

Ne voyez-vous pas les couches de l’air
qui à vitesses disparates glissent
en déchirant leurs nuages ;
et que tout ce laborieux glissement des choses
est aussi celui des courants dans l’estuaire ?
Ne le voyez-vous pas ?
 
Ne sentez-vous pas que les strates de carton
tirent à hue et à dia ?
Qu’elles s’efforcent à quelque chose ?
 
Ne voyez-vous pas les couches de l’air
les unes sur les autres glissant
parce qu’elles ont la volonté de composer
(et d’ailleurs les eaux sableuses aussi)
quelque chose dont la notion ou même la réalité
semble s’atteindre avec difficulté
ou peut-être même se perdre ?
 
De leur très longue migration qui en tue tant en vol
les martinets sont arrivés hier depuis l’Afrique.
Aussitôt sans répit ils s’affairent
à ajuster les couches de l’air,
à réconcilier ce qui s’est déchiré
et s’aigrit, perclus de solitude amère.
Il n’est même le petit hoche-queue qui
ne s’affaire sur un toit à mi-pente de la maquette
à recoudre une cicatrice, une entaille
biffée dans le carton de la maquette.
 
Est-ce un sacrifice mortifère et frelaté,
est-ce un théâtre vénéneux ?
Mais voilà, le mal a été fait : notre lien,
l’argile de notre chair, le souffle de notre chœur
ont été dilacérés, et hérissés partie contre partie,
petit trône contre petit trône, voyou contre voyou
au nom de l’objet-foudre marchandise.
Les couches de l’air ont beau vouloir
se réconcilier, se retrouver, elles ont beau vouloir
aller avec nous du même pas de paix ensemble,
la violence dilacère effroyable, répugnante.
 
Mais la source rouge de la parole ne peut
jamais être colmatée.
Tirant à hue et à dia, des bribes
de la maquette pourraient tomber et pourrir,
comme à un malade très âgé la mémoire
se fendille puis par lambeaux disparaît.
Mais pourtant même la mémoire en désastre
reconnaît toujours la voix,
le son de la source rouge
et les mots du dialogue qu’inlassables
nous ajustons, recousons,
lumière de la parole.
 
Ne voyez-vous pas les glissements
et les rapprochements ?
Ne voyez-vous pas le labeur épique des martinets
affairés nuit et jour à refaire le profil
et le contour et les traits du grand visage
de celle qui parle et chante,
de celle qui aime la maquette pour retrouver
le point rouge de sa source ?

Essayer de tracer et relever au calque
les voltes des martinets est impossible.
Et peut-être mieux vaut-il laisser libre
la chevelure de l’immense chanteuse
qu’ils ébouriffent.
S’ils l’ébouriffent, c’est de joie
et ils connaissent parfaitement les raisons de leur joie.
S’ils l’ébouriffent, c’est peut-être de rite aussi.
 
Essayer d’entretisser les quelques poèmes
des tissus verticaux naissant au ciel, ondoyants
au martèlement des pas, des frappes de taille
et des coups de sabot est utopique.
Et peut-être mieux vaut-il reprendre plus lentement
la diction, phrase claire à phrase sombre,
à claire à sombre, alternant
ainsi que les tâches claires et les tâches sombres
de la peau des marcheurs et des marcheuses.
Le chemin de l’utopie au corps infini
n’est-il réel que dans le corps banal de chacun ?

*

*

***

*


					

La Maquette (9 Les calques)

Ce neuvième épisode de La Maquette se lit en italien dans une version particulièrement sensible, vivante, subtile et mobile, due au poète Francesco Marotta. On la trouve à cette adressehttps://rebstein.wordpress.com/2020/05/25/il-plastico-9/

YB

Ce matin l’architecte m’envoie par mail

une tout autre photo : non pas de la maquette

mais de croquis au crayon sur papier calque

de ce qui sera bâti autour de la source.

Il m’écrit dans sa langue : « ces calques

rendent visible le palimpseste des mots

de tes poèmes. Tes mots se sédimentent

dans l’intuition créatrice de cette maquette ».

Les feuilles de calque se soulèvent légèrement.

Transparence fait se mouvoir l’air. Les unes

sur les autres glissent les feuilles

translucides. C’est traînées de brume qui tournent

lentement, effleurant les pentes de la maquette.

C’est simple rosée des femmes et des hommes

se déposant chaque aube sur le réel en furie.

Forêt éphémère aux branches brillantes d’humidité,

lourdes d’humanité, remuées par la pensée,

par la peur ou la fuite, par la pensée.

Ni beige brut du carton ondulé de la colline

ni gris très clair du carton des bâtiments de soin

autour de la source rouge ; et dans le gris clair

bourdonne encore le labyrinthe diffus des discours

et des récits oubliés engloutis de leur vivant

par l’encre qui les a pressurés

et imprimés sur le papier ;

et le papier imprimé, vite périmé, tôt broyé,

a fait la pâte du carton gris très clair.

Voici le calque, le troisième état de la pensée écrite

qui va et passe et ici ne s’incruste pas

mais cherche où poser les lignes des dessins

et les jambages des mots pour que les butinent,

pour que s’apaisent, pour que guérissent

l’âme inquiète, le corps meurtri

de ceux qui marchent dans les tempêtes.

Voici le calque, ivoire ou blanc, translucide.

*

dans le ciel de la maquette,

Les cinq feuilles de calque sont arrivées

chacune allongée sur le dos d’un vent puissant.

Les vents les ont laissé descendre

de leur échine tannée, poussiéreuse.

Les calques ne se posent pas, ni sur le sol

ni sur les reflets de l’estuaire

ni sur la rade en carton tristement ondulé

ni sur les étages osseux de la colline de carton.

Ils flottent comme des odeurs vierges.

Ils flottent dans l’air, branches aux bourgeons

à peine ouverts de la forêt, canopée infime

mais aussi tenace que le fil de l’araignée

veillant tuant protégeant à mi-hauteur

de l’accueil et du meurtre.

Voici les calques ivoire ou blancs, translucides

cassant crissant portant les hachures

crayonnées de la main intrépide de l’architecte.

Par en dessous de lui-même chaque calque

étend la canopée de la forêt douloureuse,

sauvage et entêtée, la translucide canopée

où la pierre-ciel abreuve sa soif d’infini

et le cheval blanc à queue de Voie lactée

abreuve sa soif insatiable de liberté.

Par en dessous d’eux-mêmes, par chaque face

d’en dessous les calques étendent en grinçant

les grains du sable des dunes de l’engendrement,

de la parturition et de la mort.

Par les courants turbides les marcheuses

et les marcheurs toujours avancent

sous le couvert des calques qui redessinent

à perpétuité leurs chants allant.

Sur l’autre face des calques, au-dessus,

traits et hachures, colorés ou noirs

sont les empreintes inlassables des chants

des femmes à grave voix

et de la pensée de l’architecte

et des mots du poème qu’ici j’écris.

*

*

***

*

La Maquette (8 Tissus-du-ciel)

L’épisode précédent, le septième, intitulé Le cheval, et celui-ci, intitulé Tissus-du-ciel, se lisent en italien dans une claire et puissante traduction du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/23/il-plastico-7-8/

YB

 

 

 

Le martèlement du tailleur de pierre

et du cheval et du chant rythmé des

chanteuses et du cheval continue si longtemps

dans les coulisses de l’air et de la terre,

si longtemps continue

que le cœur m’en frissonne encore.

 

Si longtemps qu’il lève à l’exact mi-parcours

de la lune dans la nuit qui suit

de très hauts tissus lumineux et presque

transparents : ils vont en double ou triple lent

cortège, sinuant verticaux à la surface des eaux

comme les rideaux onduleux d’une aurore boréale.

Ils sont colorés, chacun monochrome,

avec des mots à très grandes lettres noires

parfois entrelacés de traits de couleur.

 

Je le décris par mail à l’architecte.

Je lui demande s’il connaît cette merveille.

Il me fait en réponse remarquer

que les mots calligraphiés sur les tissus mobiles

composent certaines phrases de mes poèmes

et même seront les aphorismes à inscrire

en frise en haut des parois des couloirs et des salles

à bâtir autour de la source.

 

Certains tissus qui, outre leur éclat boréal, brillent

de la lueur d’avant l’aube, sont nés, avec les mots

qu’ils portent, dans la montagne de grès où j’ai vécu

et travaillé tant d’années de l’autre côté de la mer,

de l’autre côté, bien loin, très loin. En plein Sahara

la montagne vivait, orange et beige.

Les quelques habitants de la montagne

et moi avons créé et peint ces simples

et très souples poèmes, simples figurations

à jamais de la parole de la parole.

 

C’est ainsi que les strates de carton ondulé

de la maquette ont la couleur de la montagne du désert.

Le poème né au désert en son plus grand dénuement,

en sa plus aiguë beauté aime revenir à nous

par le point rouge de la source.

Certaines nuits d’après tempête, il aime revenir

à nous par d’ondoyants rideaux très légers

qui rythment le ciel par son haut, peuplé

de minerais sombres en suspens,

qui rythment le ciel par les harmonies basses

d’un souffle qui ne cesse jamais, comme la parole.

 

 

 

 

 

*

 

 

*

***

*

 

 

 

 

 

La Maquette (7 Le cheval)

YB

 

 

 

Je m’allonge sur la chaussée très près du pavé-ciel

et vois dans sa petite masse lumineuse

un reflet étrange.

Dans le ciel du cinq-millième pavé

ce n’est certes pas mon reflet que je vois.

Ce que je vois c’est une ombre. Et cette ombre

est blanche. Elle a deux longues ailes.

Elle les replie. Puis les ouvre, mais elles

sont maintenant quatre, plus fines ; avec elles

un corps, une tête au bout d’un cou massif.

 

Je me retourne sur le dos et vois en l’air

un cheval blanc à une hauteur incompréhensible.

Dans sa bouche il tient le rameau d’or.

Il semble immobile.

Ses sabots sont les points cardinaux.

Sa queue longue et souple est la Voie lactée

et elle est visible en plein jour.

 

Je me lève. Le cheval blanc ne s’effraie pas.

Il me regarde. Sur son dos est assise

la maquette beige et légèrement colorée.

La maquette a deux courtes jambes

brunes et grises, appuyées de part

et d’autre sur les flancs du cheval.

 

Des monstres et des tyrans,

leurs chevelures sont d’énormes flammes,

des monstres et des tyrans

frappent à grands coups de fouet

les eaux de l’estuaire

qui s’apprêtent à rager en tempête.

 

Le cheval blanc tremble, s’agite, va

se cabrer. La maquette, qui monte à cru,

ne tombe pas car son énergie est la parole

et la parole ne défaille jamais.

Tégu dumno abada.

C’est nous qui, par peur ou trahison,

parfois défaillons.

 

 

 

*

 

 

Le cheval à sa hauteur insituable

reste en alerte. Calme. Vigilant.

En bas pure violence, racisme, populisme

cherchent à incendier l’estuaire.

Certains des marcheurs nés de la dune

atrocement brûlés dans le dos

s’affalent dans l’eau salée.

 

Le cheval à sa hauteur insituable

pivote et se déplace à peine. Il pivote

au-dessus de la pierre-ciel. Il pivote

et se déplace à peine et s’installe

juste à l’aplomb de la source rouge.

 

C’est alors que vivement le cheval

secoue crinière blanche et crins blancs

et chasse les volutes de fumée noire

et les braises ensorcelées dont les tyrans

veulent en ricanant enflammer la maquette.

 

De ses pieds le cheval martèle

les bas-fonds et les hauts-fonds des eaux

et les collines lointaines et les vallées détritiques

et les immenses montagnes bleues

à mille kilomètres de notre estuaire,

ici où les tyrans torturent.

 

Le cheval martèle de ses pieds.

Il rejoint le rythme des coups du tailleur de pierre,

il trouve le rythme du cortège

des femmes à voix grave qui chantent.

 

Les tyrans veulent se hisser à l’intérieur

du martèlement. Très fort ils hurlent,

très fort ils braillent. Mais en désordre,

en meurtriers même pas masqués.

Rejetés du grand martèlement ils s’épuisent,

ils s’écroulent, ils se noient dans les remous

furieux de l’estuaire.

 

Le cheval martèle le nord et le sud,

l’est et l’ouest de l’estuaire,

soulève le sable des hauts-fonds

et les dunes commencent à se relever.

De ses yeux grand ouverts la maquette

regarde les jeunes dunes. A sa source rouge

de premières femmes, de premiers hommes

des dunes viennent, voyez-vous, déjà boire.

 

 

 

 

*

 

 

 

*

***

*

 

 

 

La Maquette (6 La pierre-ciel)

Ce sixième épisode de La Maquette, épisode du temps suspendu, se lit en italien dans une traduction ample et méditative du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/15/il-plastico-6/

 

YB

 

 

 

Ni l’architecte ni moi nous ne savons

d’où vient la cinq-millième pierre

de la chaussée inclinée.

Impossible de le demander au tailleur de pierre :

il a disparu.

 

Les arbres de son échafaudage qui va jusqu’au

ciel sont démontés. On les scie en planches.

Elles feront le bois des portes, des volets,

des planchers. Dans les maisons simples,

elles feront les marches des escaliers.

Elles feront des lits et des tables

après le ravage des tempêtes.

 

La cinq-millième pierre est cubique.

Sa couleur, impossible de la comprendre.

Son grain, impossible aussi

à tout point de vue. Sa matière est au-delà

et au dehors. Mais son emplacement

est clair. On l’a encastrée au centre de la chaussée

entre des pavés bleus, sûrement complices,

très réguliers, à cette hauteur dans la pente

de la chaussée où tout le monde

pour reprendre souffle fait halte, s’assied

par terre, les enfants, les portefaix, les conducteurs

de mulets, les chauffeurs de poids-lourds.

Et même les charges de chantier

à demi vivantes au bout de leurs câbles.

Car c’est là, à ce moment du geste et du mouvement,

que les femmes à grave voix cessent,

un instant qui semble perpétuel, de chanter.

 

Puis le chant reprend,

et le lent mouvement de la vie reprend.

 

S’allongeant au sol à peine après l’aube

avec la tête au bord de la cinq-millième pierre,

de très près, on voit qu’elle est transparente.

 

On voit dans elle, par elle, comme elle.

Elle est une petite fenêtre ouverte

sur un ciel concret, d’opale et d’ivoire.

En bas de ce très familier ciel minéral

brille un petit rameau d’or.

C’est Virgile qui l’a posé là

puis qui a durci le ciel, a minéralisé l’air

et s’en est allé, quittant sans se retourner

la carrière où lui aussi a taillé dans la roche.

 

Allongé la tête très proche de la pierre

on entend le silence.

La suspension des tempêtes et du vent,

la retenue des litanies et des cris,

l’aspiration de la parole de la parole

avant qu’elle ne bondisse et ne libère chacun.

 

 

 

*

 

 

Ce matin j’apprends ceci :

c’est l’oiseau aux immenses ailes

qui avait pris la main de l’architecte

et l’avait fait planer très près de la maquette,

c’est lui qui a apporté la cinq-millième pierre

de la chaussée inclinée.

 

La carrière où Virgile a taillé ce pavé

se trouve dans le ciel.

Dans cette partie de lui-même où le ciel

à la fin de la nuit prépare les couleurs de l’aube

avant de les lâcher vers le haut.

Elles montent lentement, se diffusent

comme des brumes inspirantes, comme des vapeurs

pour de salvatrices inhalations.

S’il y a quelques nuages s’étirant, se réveillant

en silence, il arrive, mais c’est très rare,

qu’un de ces nuages devienne oiseau.

Oiseau : intense intuition créatrice.

Puis l’intuition disparaît dans le premier rayon

chaud du soleil.

 

Voilà comment est venue la cinq-millième pierre.

L’oiseau l’a vue, l’a enlevée, a volé,

a volé loin, a volé.

Dans son bec l’oiseau aux ailes immenses

a perçu son goût d’algue, de mandarine

et d’amande. C’est le message de Virgile.

Un oiseau aux très grandes ailes

est-il vraiment le seul à le saisir ?

Le message dit d’abord « qui veut gravir écoute »

et ajoute : « encastre-moi au centre

car le centre est le lointain.

Il n’y a de centre qu’accueillant. »

 

 

 

*

 

 

*

***

*

 

 

 

La Maquette (5 La roche)

Ce cinquième épisode de La Maquette se lit en italien dans la traduction claire et puissante du poète Francesco Marotta, à cette adresse :  https://rebstein.wordpress.com/2020/05/12/il-plastico-5/

 

 

YB

 

 

 

 

Un train de nuages

arrive du large, est-ce qu’il enlacera

la tête haute de la maquette.

Certains affirment qu’il est arrivé

par l’estuaire, depuis ces terres lointaines

détritiques au pied de montagnes

qui sont immenses et bleues.

 

Très bas glissent les nuages lourds,

épais nuages, laborieux, enchevêtrés,

sans oser toucher les vagues, contournant

la colonne verticale de lumière au dessus

de la tête de chaque homme, chaque femme

nés de la dune.

 

Les nuages portent, l’enrobant sur tous ses flancs,

une très grande roche blanche.

Toutes ses faces sont blanches, à très gros grain.

Compacte, semble-t-il, est la roche.

 

Elle vire en son vol lent,

invisible à l’intérieur du cortège des nuages,

contournant avec tendresse et respect

les flux verticaux de lumière

qui sont les têtes des marcheurs sur l’eau.

 

Elle est miroir opaque. Ou réceptacle.

Elle concentre en son corps

tout ce que lui disent les marcheurs,

tout ce que vivent les marcheurs.

Elle concentre en son corps

hermétique comme un dur poing fermé

tout ce qu’on refuse aux marcheurs,

tout ce que n’osent dire les marcheurs,

tout ce que ne peuvent encore

vivre les marcheurs.

 

Elle est une et indivisible.

Elle est divisible à l’infini

pour faire les pavés, le ciment, les pierres

de la construction à venir

autour du point rouge de la source.

 

 

 

 

*

 

 

L’architecte n’a pas de fils.

Cependant voici son fils

qui n’est pas de taille humaine.

Sa tête touche le bas des nuages.

Il dresse un échafaudage de troncs

de chênes et de mélèzes

et de planches des mêmes arbres.

 

L’échafaudage repose sur l’âme inquiète

du vent. Sur l’âme vive de la pensée

des marcheurs.

 

Le fils est tailleur de pierre.

En haut de l’échafaudage

il entame la grande roche blanche

par la face qu’elle oppose à l’estuaire

ouvert sous les nuages.

 

Je suis trop petit pour voir de quels outils

le fils entaille le rocher,

coups de burin, je crois, qui cognent

au rythme des mots les plus graves

du chant des femmes.

 

Des éclats de roche blanche

tombent dans les eaux sous les nuages,

tombent dans les sillages des marcheurs,

tombent dans les eaux orphelines

et deviennent des barques

dont aussitôt les proues se colorent

de rouge et de bleu

comme sous les gouttes de sel

les strates rocheuses de la maquette.

 

 

*

 

 

Sur son échafaudage de bois

travaillant de l’aube au soir la roche

le tailleur de pierres rend

ce qu’il dégage et crée

gris clair ou orangé à peine.

Bâtir façade de pierre blanche

éblouirait aveuglerait.

Nous n’avons pas besoin d’extase,

notre vie c’est la parole libre qui va.

 

Le tailleur de pierre découpe

ce qui fera fondations des maisons

et voûtes des caves et salles des palais

lorsque, à la fin des derniers sursauts

de violence, s’effacera la maquette

et que sur la colline aux mille couleurs

aux mille parfums la ville en paix

se construira son forum de parole

et de soin de tous à chacun

et de chacun à tous.

 

Le tailleur de pierre de l’aube au soir

découpe les fortes pierres de taille des murs

et les murs protégeront et accueilleront.

 

Certaines pierres spécialement polies

feront liseré assez haut sur les parois

des couloirs et des grandes salles

pour qu’on inscrive, incisé ou peint,

le poème simple qui éveille chacun,

accompagne chacun et ouvre toute porte.

 

Le premier coup de burin du tailleur de pierre

haut dans les nuages donne

la première consonne du poème.

Puis chaque coup de burin donne

la première consonne de chaque mot du poème.

 

 

 

*

 

 

En pleine brume il naît une route inclinée.

Elle cherche une pente où se poser.

 

Voici dans une trouée de nuages

la pente haute de la colline de la maquette.

Aussitôt la route veut l’épouser.

Pour qu’avec un système de câbles,

de crémaillère ou de poulies à inventer en haut,

au faîte de la colline qu’esquisse la maquette,

on tire sur la route depuis le cœur des nuages

ou depuis la surface des flots

les pierres taillées, les dalles, les blocs à sculpter,

les pavés.

 

La brume du rivage, la longue ligne d’oyats

et de buissons pâles, une dune peut-être

escortent la route en pente où l’on pousse les pierres.

Derrière les buissons un innombrable troupeau

de brebis et de chèvres, de béliers

psalmodie le lent ahan des pierres taillées

qui montent, balbutie la montée des pierres

traînées sur la route inclinée.

 

Les débris de la roche blanche des nuages

empierrent la route en pente.

Est-ce que la route en pente n’est pas déjà empierrée,

avant que ne commence la taille de la roche des nuages…

Empierrée par les ancêtres qui taillaient dans

des carrières au fin fond de l’amont de l’estuaire.

Le tailleur de pierre a une autre face, celle de

solide cantonnier, et encore une autre, celle de

manœuvre, et encore une autre, celle de terrassier

ouvrant la voie de dalles et de pavés à la pensée

en marche qui à pas posés va.

Combien de siècles ont les rides de ses visages ?

 

Tailleur terrassier architecte non pas six

mais seulement deux mains deux yeux

un seul cerveau un seul front

une seule langue

une seule personne

qui est toute personne.

 

Dans la vision qui élance et dépasse le chantier

de la route aux cent mille pierres

il n’ y a pas de frontière,

il n’y a pas de solitude.

Le burin du tailleur de pierre

on le prend, on use de lui

pour qu’il écorce, pour qu’il fasse éclater et choir

la couche d’oxydation qui rend sourde la roche,

pour, devenu infime spatule, qu’il fasse tomber

la croûte de fade coagulation

attardée sur les cicatrices du corps,

 

pour qu’il prépare la montée des pierres

qu’appelle la maquette.

 

 

 

*

 

 

 

*

***

*

 

 

 

La Maquette (4 La dune)

De ce quatrième épisode le poète Francesco Marotta crée une version italienne, ample et musicale, que l’on peut lire à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/07/il-plastico-4/

YB

 

 

 

Une dune jaillit

au large de la colline et de la rade.

La houle du creux noir en feu

s’écarte et, comme un buffle, butte

sur elle-même, sur son vacarme et sa haine.

 

La dune est claire et blanche.

Dans sa pente des buissons épars

vert pâle épars bruissent

au vent de la dune, oyats épars, ajoncs.

Longues les heures du rêve et les heures

du jour passent dans le sillage du vent

sur la dune dont le ventre est lourd.

 

A midi les ajoncs se courbent

et s’écartent sous le poids de leurs propres

fruits serrés, grains durs comme de genièvre.

Du sable sortent hommes et femmes.

Sont-ils nus ? sont-ils vêtus ?

Ils s’ébrouent du sable et des grains.

 

Hommes et femmes ont étrange peau.

Y alternent tâches sombres de la souffrance,

fortes cicatrices de plaies mal recousues

et taches claires du soleil, écailles vivantes

du grand soleil de vie. Hommes et femmes

descendent la longue pente de la dune,

s’apprêtent pour en rythme traverser à pas lents

et sûrs l’intervalle vers la ville, ils le

sentent, le pressentent.

Ils ne s’effraient pas, ils ne s’enfoncent pas

dans les eaux étranges. Sur elles ils vont marcher

en rythme, dans le chant de grave gorge

des femmes, ils vont marcher dans le vide.

 

 

*

 

 

Le lendemain une aube rouge

soulève les nuages.

 

La dune claire s’engloutit.

Mais ne meurt pas, se dépose

en long banc de sable dans les flots sombres,

s’étire en long banc de sable

sur les flots sombres.

 

Entre le ciel rouge et les hauts-fonds clairs

souffle le vent multiple et rythmé.

Le scande la voix grave du chant des femmes.

 

Souffle le chant qui dit,

qui nomme la paix retrouvable,

nomme l’enfant à naître,

nomme la course de l’eau douce

naissant à la source rouge,

nomme la commune demeure à bâtir.

 

Il passe, le chant, entre le ciel de l’aube rouge

et les hauts-fonds certains incertains.

Il va, le chant des femmes

et rien ne se délaisse,

même les oyats, les ajoncs vont et viennent,

les oyats aux souples têtes sur les hauts-fonds

que les courants raclent moins crûment.

 

Ainsi écoutant la haute diction

rythmée dans le vent,

ainsi tournant dans les courants

ci et là leurs fines têtes les oyats, les ajoncs

ont confiance, distribuent la confiance.

 

Ont confiance aussi les grains du sable clair

de la dune endormie dans les eaux,

endormie sur les flots.

 

Les grains se rappellent sans cesse

les collines, les vallées et les monts

dont ils sont de profus sédiments,

la prolixe mémoire au fil des siècles,

au fil des millénaires.

 

Grains du sédiment ils ont toujours

été les gardiens râpeux et tendres

des femmes et des hommes de jadis

qui n’ont jamais cessé de vivre

et dont les plus jeunes des enfants

nus ou vêtus sont sortis de la dune

et sont descendus pour marcher sur les eaux.

 

 

*

 

 

 

 

Vers la colline de carton ondulé

vers la source rouge ils marchent,

les hommes et les femmes revenus

à la vie, revenus d’entre les

immenses bras de la dune claire.

 

Vers la source ils marchent

et toucheront enfin la maquette

qui, respirant lentement

comme barque sur l’eau, veille.

Veille et saura accueillir.

 

Ils marchent,

le haut du corps sec,

les tâches de leur peau couvertes de sel.

Seules leurs chevilles sont brassées

par le courant qui va.

 

Toujours dans le même sens va le courant.

Ont-ils à lutter contre le courant ?

Non, le chant grave des femmes les aide,

est le vent, la scansion du vent

qui sèche leur peau aux tâches étranges,

aux tâches claires et sombres.

 

Non, le chant grave des femmes

commence déjà le soin

et les porte vers là-bas, vers la colline

de carton, vers la ville de carton

et le point rouge de la source.

 

Certains sentent, certains pensent

aller à pas fermes brassant l’eau,

aller depuis la dune effacée

jusqu’à la ville future ; ceux-là pressentent

que l’eau salée et sombre, opaque et douce,

est une embouchure.

 

Estuaire qui dépose son sédiment,

le relève ou l’enfonce,

le durcit ou le disperse,

sédiment dont la vie des femmes

et des hommes du passé et de maintenant

est le plus beau grain,

est le plus nombreux grain.

 

Car à l’estuaire se déverse

l’eau d’abord douce et lente qui afflue

des très anciennes terres, épaisses

et montueuses, que travaillent en galeries

de mines, en sillons de labours, en

piétinements de villes, tant et tant

de générations de femmes et d’hommes

dont rien n’arrête le tenace

labeur ni la souffrance des articulations

ni l’espoir autour du repas à la table du soir.

 

Ils marchent, ceux et celles une seconde fois

nés d’entre les grains de la dune, ils marchent

dans l’eau de l’estuaire.

Ils marchent et avec eux marchent

les femmes à grave voix qui chantent.

 

Ils voient la maquette se dresser dans l’estuaire,

maquette de fiction. S’élève le récit

de quelque fiction vive,

de quelque vivante utopie.

 

 

 

 

*

 

 

 

*

***

*

 

 

 

La Maquette (3 L’oiseau)

Ce troisième épisode de La Maquette se lit en italien dans une splendide traduction du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/03/il-plastico-3/

YB

 

 

 

 

Depuis plusieurs jours

assourdissante la tempête revient :

le ventre est encore fécond

d’où a surgi la bête immonde°°°.

Sans écouter chacun crie.

La tempête délave les couleurs.

Les cris sont le haut et le profond des vagues

noires massives âpres asphyxiantes noires.

La vie, la tempête l’abrase.

 

La maquette souffre.

Elle réclame le chant grave des femmes

et notre souffle clair, ferme, constant.

 

 

 

 

Survient encore un soir épuisant,

mais moins stridents sont les cris.

Voici qu’à l’aube suivante

un oiseau avec ses immenses ailes

vient voler très près de la colline de carton.

Un aigle de ma montagne

ou un goéland de Venise, nul ne sait

car son vol va dans le contrejour

de la violence qui éblouit et aveugle.

Il la strie, la biffe, la rature.

 

Voici le trait de son vol qui nomme,

de son vol qui dit possible la paix.

Silencieux grand oiseau, qui est le souffle

dans les cordes vocales des femmes,

qui est la anche périssable et têtue

de la parole de la parole

planant au dessus de la source rouge,

allant, volant depuis le zénith de la source.

 

Ici le grand oiseau qui écoute

qui écoute qui écoute

prend la main de l’architecte, la fait

planer lentement à ras de la maquette

et sur le carton appuyant juste son index ici

et là, tout juste du toucher de l’index,

avant même les mots,

lui indique cinq emplacements autour de la source

où poser des pièces de carton très clair.

 

Puis l’oiseau, d’un coup d’aile, s’en va.

vers le haut de la pensée,

vers les vents étésiens,

puis l’oiseau d’un cri clair s’en va.

 

Dans le cœur du cri clair que le plus jeune

des vents étésiens reprend, déroule

et module, voici ces mots :

« ici avec le carton très clair

conçois et construis !

Ici bâtis la maison du soin !

Tout autour de sa source

la parole se déploie et sauve

et soigne et rend

à l’âme triste sa liberté

et au corps fragile sa mouvance ».

 

Voici : l’architecte ose poser

autour de la source rouge

quelques strates de carton blanc.

Blanc, non pas. Ce serait neige

et glace qui fondent.

Gris très clair : oui. C’est papier et papier

et papier après mille écritures,

après des signes par myriades.

C’est carton lavé, lavé encore,

aimé du soleil et des vents,

carton qui a parlé, qui parlera,

qui sait.

 

 

 

 

*

 

 

Et les chants des oiseaux fusent

des alvéoles de la ville et des replis

du fond de la colline.

Certains qui chantent fort sont de plume noire,

certains plus petits sont de plume jaune ou or.

Ils disent.

Qui les comprend ?

Revient le chant du cortège des femmes.

 

Des fleurs blanches et vert très pâle

surgissent aux branches.

Le chant noir des merles

répond à la tempête et aux vagues

qui apprendront à se taire.

 

L’écureuil monte en surplomb

sous le pli du chant.

 

 

 

 

*

°°° Aux troisième et quatrième vers de cet épisode on lit une phrase de Bertold Brecht, dans La résistible ascension d’Arturo Ui, de 1941

*

 

 

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***

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