Sentier côtier

Poème-portrait d’un être libre, en forme d’une suite en deux parties, créé le vendredi 28 mars 2024 sous une voûte surplombant une ruelle de Châtillon-en-Diois, acrylique et encre de Chine, crayon noir et stylos à encre de Chine de différentes tailles de pointe, puis le samedi 29 mars dans un bar à Crest, pastels gras, crayon noir et stylos comme la veille,

ces douze petites strophes se déroulant sur des feuilles de Clairefontaine 224 g prises en diptyque et au format déplié A4. Brusques averses le 28, sirocco rageur le 29, début virulent de printemps.

Le poète Francesco Marotta, avec une dynamique sensible et vigilante, fait venir dans la langue italienne ce poème-portrait : https://rebstein.wordpress.com/2024/04/02/sentiero-costiero/ .

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Première partie

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1

Prénom m’importune.

Nom m’indiffère.

Si tu as envie

tu peux m’appeler Sentier Côtier.

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J’aime la pluie de nuit,

le vent qui tord les os et les troncs,

le fil blanc du ressac qui brode l’infini.

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2

Je n’ai pas l’esprit de fief.

Qu’après tempête

clôture tombe à la mer

me fait plonger de joie dans les remous.

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3

Je ne suis pas constitué.

Les coups dans mon enfance

ont déformé mon crâne à gauche.

Longtemps je n’ai su parler qu’en crabe

ou pas du tout.

Bondir du haut de la falaise devint mon art.

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4

Je suis aucun, je suis un, je suis tous,

toi compris que je hais ou que j’aime.

Mes yeux sur tes épaules

mes mains sur tes genoux

je te moule en m’esquivant

et te surprends dans le langage.

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5

Mais j’ai oublié de m’occuper de moi,

je n’ai ni nom ni corps,

je suis juste une maille du filet

ou deux mailles si tu veux me rejoindre

ou trois.

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6

J’improvise ma personne,

je sonne par monts et vaux

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arpège archipel

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mais c’est déjà trop.

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un peu d’écume et d’embrun

tissant sente et trame

de vous à moi,

telle est ma préférence.

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Seconde partie

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7

Dans la vague qui retombe

se délabre ma vétusté

qu’elle emporte par affection ou cécité.

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8

Dans le rebond après le ressac

se dresse sur ses deux jambes

mon crâne-soleil

qui réfute tout docile profil.

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9

Grand éclat vers le haut,

marcher au bord de la falaise

convient aux semelles salées.

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10

Courbe totale de la vague et son élan vers le soleil,

Mozart aussi mange le gouffre

dans le souffle de la voix

de qui.

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11

Lente et vaste houle descendante,

les graviers me choisissent

dans la terre meuble,

lente houle me hisse parmi

les voiles que l’on hisse

depuis la moindre bruyère.

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12

Houle montante,

mon amoureuse improvisante

qui se cache derrière la montagne.

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Yves Bergeret

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5 réponses à “Sentier côtier”

  1. Sandrine Péricart dit :

    Sur la première partie :

    Dans Le Trait qui Nomme, vous évoquez ces hommes qui ont la faculté d’entrer en transe pour que le génie s’exprime par leur bouche : ils se font « chevaux ». Vous êtes ici cheval. Celui qui parle par votre poésie, « Sentier côtier », est à la fois homme et lieu et bête et dieu, « esprit du lieu », profondément sauvage, puissant et libre. Il balaye, de votre main gauche, l’espace dans ses diverses dimensions, crispé sur le crayon noir, tandis que de votre main droite, vous lui offrez l’or et la danse du langage.

  2. Colette Klein dit :

    Moi qui quitte peu Paris, ça me donnerait presque envie de partir marcher sur de tels sentiers, à grandes enjambées, en bordure de gouffre !

  3. Xavier Lemaitre dit :

    Fille d’érosion, côte ou crête se dessine.

    Côte ou crête redresse le Souffleté.

    Souffleté, Personne, Errant, Odysseus,

    il affronte les coups du Butoir.

    Côte ou crête l’épaule,

    il marche d’un pas plus sûr.

    Côte ou crête ouvre l’horizon,

    il pose pas à pas les mots qu’il veut.

    Côte ou crête trace une ligne d’écriture ou de partition,

    il emprunte sa venelle.

    Côte ou crête, son royaume, 

    déserte tous les cadastres.

    Côte ou crête, théâtre de vérité,

    ne connaît que des actants.

    Côte ou crête, hors-jeu démasqué,

    implique des enjeux de parole émancipatrice.

    Dérèglement des sens, alchimie du verbe, essentielle altérité :

    le Matinal de Sensations signe une allure rimbaldienne.

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