Roc, à Roscoff 岩石
Poème en trois triptyques, créé en trois exemplaires par Yves Bergeret du 18 au 21 février 2017 à Roscoff sur papier doublé chinois à calligraphie 200g, format 21 cm x 47, avec gestes d’acrylique, lavis & collages. [On voit ici au début la photo d’un premier triptyque de format 31,7 cm x 62, créé de la même manière.]
Ce poème se lit en italien dans une traduction du poète Francesco Marotta grâce à ce lien : https://rebstein.wordpress.com/2017/03/10/roc-roccia/
Il se lit ici en chinois, traduit par Zhang Bo, poète, de Nankin.
*
1
Au moment de toucher terre
je fus changé en pierre.
Les toutes dernières vagues
m’ont ici fiché dans le sable.
在我触碰大地的那一瞬间
我变成了岩石。
最后的一道道波浪
将我在此钉入了流沙。
*
2
Une clairvoyante colère m’a installé
dans les trois minéraux du granit.
L’humeur de la mer et des vents
selon les jours me fait rire
ou devenir ombilic divin.
一种澄明的怒火把我安置
在花岗岩的三种矿物之中
海与风的性情
随着时日不同让我欢笑
或使我成为神圣的肚脐。
*
3
Je casse et romps.
Je ronge mon projet et resserre ma folie
sur mon cœur noir.
我打碎并折断。
我噬咬我的计划并夹紧我的疯狂
在我黑色的心头。
*
4
Cœur noir
je suis porté au-delà de moi-même
à résister à toutes, à tous
et à la papillote du moi.
黑色的心
我倾向比我自己更远的地方
去抵抗一切事,一切人
抵抗包裹自我的一层锡纸。
*
5
Au ressac du soir
mon ombre étirée garde
des récits roulés dans des algues.
Eberlué je les consulte et jamais ne dors.
在黄昏的激浪中
我伸长的影子守候着
海藻间翻滚的叙述。
我无比惊奇地把它们查阅,从未睡去。
*
6
A marée montante
je côtoie voluptueusement la nostalgie
me désirant malgré tout
des fémurs légers et un bassin de bois.
当海潮涌起
我充满快意地触及怀念
无论如何令我欲求
轻盈的腿胫与木质髋骨。
*
7
Fuyant pillages et incendies
j’avais vogué et vogué,
mon rafiot de planches fut mon corps droit ;
j’eus aussi un corps gauche,
celui où je rangeais mon ombre
lorsque j’étais amoureux.
逃离劫掠与烽火
我不断地航行、航行,
我木板拼接的残舟是我右侧的身体;
我也同样有我左侧的身体,
我用它安放我的身影
当我满含柔情。
*
8
Nageant dans la douzième tempête
je devins semence d’un dieu ;
la nuit juste avant de toucher terre
les courants m’ont réuni en un seul homme.
在第十二场风暴中划水
我成为了某个神明的种子;
在黑夜恰好触碰大地之前
海涛把我拼合成一个独一无二的人。
*
9
Sur cette crique je suis en deux,
je suis seul à l’éprouver
car j’aime prendre en main les deux pôles.
在这个河湾上我一分为二,
唯有我能把这体验
因为我喜欢在手中抓住两极。
*
10
Je suis divin, racine du mimosa fleuri
et graine du genêt derrière la dune,
tous deux surgis de l’eau salée :
d’ailleurs ma forme est durablement scindable.
我是神圣的,绽放的金合欢之根
以及沙丘背后金雀花的种子,
二者都从富含盐分的水流中涌现:
此外我的外形可以持久地分化
*
11
Je suis en deux et vins ici me poser
comme deux cubes célestes
en un seul rebond.
我一分为二而我来到了这里把自己扮作
两块天上的地方体
一次唯一的跳跃。
*
*****
***
*
*
Marées
Poème en deux quadriptyques verticaux d’Yves Bergeret (©ADAGP), créés à Cabourg et à Paris, du 8 au 14 février 2016, sur papier Canson 224 g format 65 cm x 25, avec encre, collages et peinture acrylique.
*
1
Le ciel pose son dos sur le sable.
La mer se pousse pour lui.
A cette heure-là on ne part pas pêcher.
Le ciel respire à fond.
La terre s’écarte sur les deux côtés.
A cette heure-là on dépossède la parole.
*
2
Le ciel remonte dans le ciel.
La mer revient lécher la rive
et ce n’est pas tendresse
mais mise harassante à l’épreuve.
Le ciel s’organise en dépit de lui-même.
La mer est la force stupide.
On la divinise,
la parole s’infantilise
sauf si elle est réplique et chœur,
ce pour quoi vivent les vagues.
*
*****
***
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Nutriment, avec Xavier Lemaître, à Cabourg, février 2017
Poèmes en quadriptyques verticaux de Xavier Lemaître & Yves Bergeret, créés à Cabourg, du 4 au 7 février 2017, sur papier Canson 224 g format 65 cm x 25, avec encre, collages et peinture acrylique d’Yves Bergeret
*
1
Vagues rondes de la mer froide
sur le sable viennent laver
les jeux durs des enfants qui crient
Vagues courbes de la mer blanche
sur les brisures du sable
viennent jeter sel et retourner
châteaux guirlandes maquillages
ostensoirs coquillages rubis volés
Vagues rondes
deux mains deux seins
le lait tiède sous le froid
YB
Vagues affamées de sable sec
lèvres écumeuses se mordent
et s’embrassent
lames salées tranchent la plage
et lèchent l’étal des coquillages
au rythme entêtant du sac et du ressac
XL
2
Si le grain semé ne meurt pas
germination,
si l’eau du ciel ne tarit pas
fertilisation,
si un doux ventre s’arrondit
gestation
sur une terre généreuse
entre la nuée laiteuse
et la mer poissonneuse
l’homme nourrit l’homme.
XL
Ce sont les mouettes qui ont abattu tous les arbres,
c’était l’ordre crié par les officiers
mais les hommes tous les matins balaient avant le vent
les bricoles ligneuses ou métalliques tombées
et les pommiers se redressent
moins inquiets que nos chevaux,
fiers du cousinage des hêtres
qui fourniront le bois de la carène.
YB
3
Toute l’eau du fleuve des hommes
sans la surface de celui-ci,
toute l’eau bruyante,
toutes les maisons alignées devant la mer
et le vent du grand large
trace la raie dans leurs cheveux :
c’est la rue principale ;
toute l’eau de la mer
sans la surface de celle-ci,
toute l’eau poissonneuse salée rouillée
harcelée granuleuse
hypocrite et ravie d’être si proche des hommes.
YB
Yeux vifs, oreilles dressées, naseaux dilatés ;
cheval d’ébène offre son poitrail fumant
au dos d’une large vague froide d’albâtre.
Tête haute, encolure puissante, pas assuré ;
le pur-sang venu du levant met cap au ponant ;
monture d’espoir, étendard de liberté.
Crinière n’est pas postiche,
posture n’a pas d’allure.
XL
4
Rossés par le vent du large
les arbres s’accouplent avec leur ombre,
le sable grain par grain avec sa mort précédente,
les hommes avec les femmes dans des lits de grès au dos des hangars.
Derrière la dune
le récit et le nutriment, eux,
prennent la nuit comme un miroir
où se toiser avant de s’accoupler.
YB
La main trace les triviales hosties
d’un très vieux pain tellurique.
Anciennes légendes sombres des ombres d’hier,
tout premier chant du coq perçant la brume,
terre détrempée à herbe grasse offerte en pâturage,
chemin abrité dessiné en bocage,
rouleau vivant de vague nourricière,
souffle vibrant du vent semeur et chanteur,
cris blancs des meutes de mouettes affamées,
regard confiant de l’étranger rassasié,
vagissement gourmand de l’enfant demain.
Mots posés en nutriment.
XL
*****
***
*
L’Eau (3), Navigation, avec Francesco Marotta
Poèmes et traductions de Francesco Marotta & Yves Bergeret
*
Cycle de douze poèmes d’Yves Bergeret créés à Paris du 12 au 24 décembre 2016 sur un cahier cousu de papier vergé ivoire de 180 g, de format carré, avec gestes de lavis et d’acrylique & collages. En contrechant ces poèmes s’enrichissent des vers de Francesco Marotta ; et, en contrepoint, de deux dessins-talismans de divination et/ou de viatique créés par Soumaïla Goco Tamboura en 2005.
*
1
Quand le courant s’inversa
j’entendis le premier craquement du bois
puis la coque s’ouvrit
et l’eau du futur trop salée s’engouffra
gâtant toute la saumure ordinaire.
Quando la corrente invertì il suo corso
sentii il primo scricchiolio del legno
poi lo scafo si aprì
e l’acqua del futuro troppo salata si riversò
alterando tutta la salamoia ordinaria.
1
Non cede alla furia del mare
chi porge ascolto alla voce dell’acqua.
La lingua che ne ripete il canto
riscopre la sua natura di sorgente, l’oscura
matrice di ogni voce, di ogni vita.
Seguendo l’arco sonoro del vento
il corpo riemerge alle dimore del respiro.
Ne cède pas à la fureur de la mer
qui offre écoute à la voix de l’eau.
La langue qui en répète le chant
retrouve sa nature de source, l’obscure
matrice de toute voix, de toute vie.
En suivant l’arc sonore du vent
le corps réémerge aux demeures du souffle.
2
Au prestige de l’image
voulut s’en remettre ma compagne de cette traversée;
elle enrageait, se farda, se maquilla.
Et, oui, l’image naquit et fut en plein jour aurore boréale de minuit.
Al fascino dell’immagine
volle affidarsi la mia compagna in questa traversata;
infuriata, si truccò, si agghindò.
E l’immagine nacque, notturna aurora boreale in pieno giorno.
2
L’immagine che nasce
dalle labbra calcinate da un grido
ha la forma incerta della luce
che non conosce il volo.
Spazio di cenere e miraggi
dove tace la parola che feconda il giorno.
L’image qui naît
des lèvres qu’un cri calcina
a la forme incertaine de la lumière
qui ne connaît pas le vol.
Espace des cendres et mirages
où se tait la parole qui féconde le jour.
3
«Une image ne flotte pas, lui dis-je;
le corps flotte car il est réel
s’il a eu à manger les myrtilles de l’alpage
et les raisins du vallon».
«Un’immagine non galleggia, le dissi;
il corpo galleggia perché è reale
se ha potuto mangiare i mirtilli dell’alpeggio
e l’uva della valle».
3
Bianca come una mano tesa
nel gesto che disperde il corteo
delle ombre, la parola dialoga
con la cima e la radice, col frutto
e con la fonte. Immagine di immagini
che il vento non dissolve, specchio
luminoso dove tutto ciò che vive
trascorre senza inizio e senza fine.
Blanche comme une main tendue
dans le geste qui dissipe le cortège
des ombres, la parole dialogue
avec la racine et la cime, avec le fruit
et la source. Image des images
que le vent ne dissout pas, miroir
lumineux où tout ce qui vit
va et passe sans début ni fin.
4
Certains autour de nous
voulurent à toute force que l’image soit une météorite.
Mais roche en l’air, c’est réplique au théâtre
sans l’initiale réplique qui ait ouvert le bal.
Alcuni intorno a noi
vollero a tutti i costi che l’immagine fosse un meteorite.
Ma una roccia in aria è replica teatrale
priva della scena iniziale che ha dato il via alle danze.
4
La pietra che sogna
di ricongiungersi al cielo che l’ha generata
è sostanza antica di presagi, pupilla
di un desiderio cristallino. Non un grumo
rappreso di sillabe e di quarzo, ma domanda
inesauribile, voce in cerca di dimora.
La pierre qui rêve
de retourner s’unir au ciel qui l’engendra
est substance ancienne de présages, pupille
d’un désir cristallin. Non pas un caillot
figé de syllabes et quartz, mais question
inépuisable, voix en quête de demeure.
5
C’est alors que la mer enfla
et nous vîmes tout en bas de l’autre côté de l’horizon
les chiens fumeux de l’impatiente Indonésie
et même leurs crocs de vermeil.
Fu allora che il mare si gonfiò
e noi vedemmo in basso dall’altra parte dell’orizzonte
i cani tenebrosi dell’impaziente Indonesia
ed anche le loro zanne di vermiglio.
5
Voce del principio, salmodia dolente
di montagne rovesciate, il mare
è una ferita che ribolle di suoni
come la sabbia del deserto
nel morire del giorno. Riconosci
nel canto delle sue onde oscure
l’eco dei passi che per millenni hanno varcato
quelle alture. Anche noi imparammo
dalla notte, illuminata dal fuoco
dei nostri fraterni silenzi, con quali colori
il flusso migrante delle dune
dipinge l’orizzonte che ci attende.
Voix de l’origine, psalmodie dolente
des montagnes renversées, la mer
est une blessure qui bouillonne de sons
comme le sable du désert
dans le jour qui meurt. Tu reconnais
dans le chant de ses vagues sombres
l’écho des pas qui dans les millénaires ont franchi
ces hauteurs. Nous aussi avons appris
de la nuit, illuminée du feu
de nos silences fraternels, avec quelles couleurs
le flot migrant des dunes
peint l’horizon qui nous attend.
6
Mais sous l’effet de la houle merveilleuse
loin de béer la coque se referma
et l’eau du futur s’attiédit jusqu’au bleu.
Ma sotto l’effetto dell’onda imponente
piuttosto che squarciarsi lo scafo si richiuse
e l’acqua del futuro divenne di un tiepido blu.
6
La stella che ci indica la rotta
oltre il naufragio, sorge ogni notte
dal cuore inviolato dei ricordi. Ha il volto
verde dell’infanzia e dentro gli occhi
paesaggi di ocra viva, sogni d’acqua sorgiva.
La voce del sangue
che partendo lasciammo come pegno d’amore
a benedire terre di pietre e arsura
è la sua sola luce.
L’étoile qui nous dit la route
outre le naufrage, se lève chaque nuit
du coeur inviolé des souvenirs. Elle a le vert visage
de l’enfance et au fond de ses yeux
des paysages d’ocre vif, des rêves d’eau de source.
La voix du sang
qu’en partant nous laissons comme gage d’amour
pour bénir la terre aride et pierreuse
est sa seule lumière.
7
Le bois craqua comme pinède dans le vent
et la coque s’inventa un destin
de tragédienne heureuse
avec sirène d’ivoire à la proue.
Il legno gemette come una pineta nel vento
e lo scafo si inventò un destino
da attrice tragica felice
con una sirena d’avorio alla prua.
7
I vecchi insegnavano ai nostri corpi
a crescere dritti e flessibili
come alberi che resistono
alla collera cieca dei venti e delle tempeste.
Altrove, figli di altre guerre e di altre
miserie, educarono la loro discendenza
alla danza verticale della vite, all’umile
saggezza dell’ulivo. Noi e loro, lontani
nel tempo e nello spazio, uniti
da un legame perenne che non teme
il mare, la morte, la distanza.
A nos corps les anciens apprirent
à croître droits et souples
comme arbres qui résistent
à la colère aveugle des tempêtes et des vents.
Ailleurs, enfants d’autres guerres et d’autres
misères, ils éduquèrent leur descendance
à la danse verticale de la vigne, à l’humble
sagesse de l’olivier. Eux et nous, éloignés
dans l’espace et le temps, unis
par un lien éternel qui ne craint guère
la mer, la mort, l’écart.
8
Vent debout nous filâmes jusqu’à l’île interdite
assurés de nous fracasser à sa falaise noire.
Or c’est bien la sirène qui en ouvrant ses bras
avala l’île de la mort
Sospinti dal vento filammo verso l’isola proibita
sicuri di schiantarci sulla sua nera scogliera.
E fu proprio la sirena che aprendo le sue braccia
inghiottì l’isola della morte
e ci salvò.
8
Isole di mani ci precedono in sogno
come spazi di azzardo e speranza
sottratti all’uniforme superficie
della morte. Occhi futuri
scrutano il mare con sguardi d’attesa
come lampade accese sulla soglia.
Un canto senza enigma, un coro
di parole visibili da lontananze estreme
guida il respiro affannato dei naufraghi
all’abbraccio materno della riva.
Des îles de mille mains nous précèdent en rêve
comme espaces de hasard et d’espoir
soustraits à la surface monotone
de la mort. Des yeux futurs
scrutent la mer avec des regards d’attente
comme des lampes allumés sur le seuil.
Un chant sans énigme, un choeur
de paroles visibles depuis les extrêmes lointains
guident le souffle épuisé des naufragés
vers l’étreinte maternelle de la rive.
9
Si le bois craqua et craqua
et si le cordage se tendit jusqu’à l’ultrason et l’aveuglement,
oui, c’est qu’après tant de guerres et de pillages,
l’élan affamé des autres chiens
nous chauffa l’âme et le cœur jusqu’au chant du sang.
Se il legno scricchiolò e scricchiolò
e la fune si tese fino all’ultrasuono e all’accecamento,
è perché dopo tante guerre e saccheggi
lo slancio famelico degli altri cani
ci scaldò l’anima e il cuore fino al canto del sangue.
9
L’arca che accoglie i vivi e i morti
è la dimora indistruttibile
di un unico respiro. Ha il nome
di ogni vita che sei stato, è il ricordo
di ogni morte che hai vissuto. Il futuro
si annuncia nella traccia che lasci
quando riscopri il tuo volto più vero
nello specchio di altri destini, nell’eco
infinita di colore e parola
che scioglie e disperde a ogni nuovo incontro
la tenebra cieca di rifiuto e violenza.
L’arche qui accueille les vivants et les morts
est la demeure indestructible
d’un soufle unique. Il a pour nom
chaque vie que tu as été, il est le souvenir
de chaque mort que tu as vécue. L’avenir
s’annonce dans la trace que tu laisses
quand tu retrouves ton visage le plus vrai
dans le miroir des autres destins, dans l’écho
infini de couleur et de parole
qui dissout et disperse à chaque nouvelle rencontre
la ténèbre aveugle du rejet et de la violence.
10
Quand tout vibra,
si net fut le chant
que la roche en l’air
s’allongea, s’étendit sur l’ombre du monde,
l’absorba et de leur amour de mante religieuse
naquit la très longue réplique double et accordée
que l’on nomme une épopée.
Et flétrie l’image
tomba au fond d’un gouffre
derrière mes talons.
Quando tutto vibrò,
così limpido fu il canto
che la roccia in aria
si allungò, si distese sull’ombra del mondo,
l’assorbì e dal loro amplesso di mantidi religiose
nacque l’interminabile replica, doppia e accordata,
a cui diamo il nome di epopea.
Poi, sbiadita, l’immagine
cadde in fondo a un baratro
dietro i miei talloni.
10
Dalla bocca della pietra
parla la sapienza delle ere, la meraviglia
di ciò che spinge il giorno verso la luce
attraverso cunicoli di cielo, di storie
immaginate nel disadorno ammanto
del silenzio. Procediamo tra distese di immagini
che svanendo lasciano impronte di fiumi.
Noi siamo acqua, memoria
che semina albe nel passaggio.
Par la bouche de la pierre
parle la sagesse des âges, la merveille
de ce qui pousse le jour vers la lumière
à travers les galeries du ciel, des histoires
imaginées dans la vêture informe
du silence. Nous allons par des landes d’images
dont l’effacement laisse des traces de rivières.
Nous sommes eau, mémoire
qui en passant sème des aubes.
11
Craquent les planches du pont,
grincent les planches de l’estrade,
craquèle la colle qui suspend les images
au mur du silence salé:
assis dans cette pinède musicienne
j’écoute la carène
dont je suis le fils et le père.
Cigolano le assi del ponte,
cigolano le tavole della tolda,
si sgretola la colla che tiene sospese le immagini
sul muro del silenzio salmastro:
seduto in questa pineta musicale
ascolto la carena
di cui sono il figlio e il padre.
11
Un canto di mille voci
modula in cadenze di respiro
la devozione di essere e passare
lasciando polline di luce nel chiostro delle ombre.
Un fiore senza padroni, restituito all’ordine
della vita e delle stagioni, è questa dimora
insonne, questa barca che solca oceani
di cenere per farsi terra e acqua
di uomini cresciuti sotto cieli di sete.
Un chant de mille voix
module au rythme du souffle
la dévotion d’être et passer
en laissant pollen de lumière dans le cloître des ombres.
Fleur sans maîtres, rendue à l’ordre
de la vie et des saisons, est cette demeure
sans sommeil, cette barque qui sillonne des océans
de cendres pour se faire terre et eau
des hommes grandis sous des cieux de soif.
12
Rêvons-nous sur la terre ferme
ou la coque aux somptueux craquements
est-elle notre demeure sur les courants absurdes?
L’image se dilue et surgit se dilue
à la surface des vagues, pauvre mirage
de notre âme qui supplie qu’on l’aime.
Et si le courant s’inverse,
sur le pont qui grince
je change le décor et porte à ma compagne
la coupe d’eau et le raisin
dont les grains sont les répliques
de la grande ode épique
que nous consommons dans les vents salés.
Stiamo sognando d’essere sulla terraferma
o lo scafo dai maestosi scricchiolii
è la nostra dimora tra le correnti impazzite?
L’immagine svanisce e risorge si stempera
sulla superficie dell’onda, flebile miraggio
della nostra anima che chiede di essere amata.
E se la corrente si inverte,
sul ponte che cigola
io cambio la scena e porto alla mia compagna
la coppa d’acqua e l’uva
i cui semi sono le repliche
del grande poema epico
che noi realizziamo tra i venti salati.
12
L’arca apre un solco nel mare
rivoltando le onde come fertili zolle
di una terra futura senza più confini.
Mani da semina vi depongono voci
versi di un canto libero dal sonno feroce
del presente. Rifioriranno come il cielo
al richiamo di ogni nuovo giorno
radici grondanti di luci
per disperare il volto della morte.
L’arche ouvre un sillon dans la mer
en retournant les vagues comme les mottes fertiles
d’une terre future sans plus de frontières.
Des poignées de graines y déposent des voix,
vers d’un chant libéré du sommeil féroce
du présent. Elles refleuriront comme le ciel
au rappel de chaque nouveau jour,
racines ruisselantes de lumières
pour désespérer le visage de la mort.
*
*****
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