Archive | juin 2023

Guépard 1, installation du 17 juin 2023

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Cette publication est traduite en italien par Gianluca Asmundo et magnifiquement accueillie sur le blog Peripli : https://peripli.wordpress.com/2023/06/24/369-yves-bergeret-guepard-ghepardo-1-ita-fra/

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Le samedi 17 juin 2023 Anne-Marie Poncet a accueilli au Jardin des Aires, au centre de Die, les six premières très grandes calligraphies de 215 cm de haut par 60 créées à l’acrylique et à l’encre de Chine de mi mai à mi juin 2023 dans les approches de la très haute montagne ( 6 très grandes calligraphies de Guépard | Carnet de la langue-espace (wordpress.com).

Le projet de ce premier cycle de l’année 2023, intitulé Guépard 1, a été de rebondir, oui rebondir sur les cycles Rebonds de l’été 2022 ( REBONDS 1978-2022, œuvre au long cours, en 3 cycles | Carnet de la langue-espace (wordpress.com) ) ; la continuité de ce vaste poema de la personne humaine simple allant droit dans le réel, non pas soumise au réel, mais décidée à en gravir parois, obstacles et surplombs, nécessite d’en poursuivre, in situ, en pleine montagne, espace ( outre sa radicale beauté) de l’acte et du mouvement par excellence, les étapes, les étapes, les étapes.

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L’installation du 17 juin a la particularité de présenter d’une part la seconde calligraphie en réplication d’elle-même, écho interne du poème de cette pièce (un exemplaire de cette calligraphie en écho se trouve dans une collection particulière), d’autre part les troisième et quatrième calligraphies en une seule continuité verticale, pilier mobile des gestes, des mots et des couleurs que libèrent dans l’espace le grimpeur, le guépard, la proue.

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Mais les intempéries incessantes des orages de chaque après-midi pendant un mois et demi ont empêché l’accès au Glacier Noir et au cœur battant de l’Oisans, cet orchestra extraordinaire où résonnent les versets du chœur antique, les pas rythmés des grimpeurs et grimpeuses divers qui sont tout simplement les membres de ce chœur infatigable ; et Prométhée les précède, à peine un peu plus haut dans une paroi.

Mais la paroi parle aussi.

Mais ce grimpeur a l’énergie du guépard, guépard fils de Char et arrière-petit-fils de Rimbaud.

Et ce guépard-grimpeur n’est que la proue inséparable de la coque et de la poupe, c’est-à-dire de tous et toutes allant, allant, disant, allant.

C’est pourquoi la matinée de présentation de ce travail de création de tout un mois s’est conclue par la présentation et lecture du grand Leporello Proue ( Proue | Carnet de la langue-espace (wordpress.com)  ).

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Régie : Thibeault Lallement, Thomas Le Rhun et Antony Vaher

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Photographies : Gia Gogatishvili, Thibeault Lallement, Anne-Marie Poncet, H Br, YB & D.R.

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Yves Bergeret

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Orages de Briançon

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Sur un Leporello chinois à 24 volets au format déplié de 25 cm de haut par 408, créé et calligraphié à Briançon le 10 juin 2023, en essayant de s’abriter d’incessants orages.

Et voici dans la langue italienne la plus vive ces huit aperçus entre foudre et tonnerre, grâce au poète et philosophe Francesco Marotta : https://rebstein.wordpress.com/2023/06/26/temporali-di-briancon/

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1

Elle balaie les algues devant sa porte,

elle respire par les racines des arbres de ma forêt,

elle aime.

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2

Lui, tel cette brute qui châtie son chien

qui lui lèche les mains.

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3

Elle se prend pour un nuage

qui dévêt son cauchemar

et débride son passé.

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4

Il nous fait attendre au pied de sa maison.

Tout l’angoisse

tant

qu’il nous humilierait

jusqu’à la servilité.

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5

L’écho parfois de l’ombre,

comme celui du tonnerre,

cogne l’enclume

du bourreau dogmatique,

…fille de l’ombre et des ombres

…mère de l’ombre et des ombres.

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6

Ton imprécation dans la grotte au plafond triste,

dit la foudre,

je la cherche

et l’emporte.

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7

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Près du feu

près du lac

entre les mains

entre les crêtes

déroule-nous le fil futur du récit.

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8

… comme le vent rieur

qui dessoude les entraves à tes chevilles

et les jette au fond de l’océan.

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Yves Bergeret

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6 très grandes calligraphies de Guépard

Certains éléments du très vaste Poema Guépard (Guépard | Carnet de la langue-espace (wordpress.com) ) ont trouvé, en ces semaines de tumulte de vents, d’orages, de pluies, de chaos du ciel, des accomplissements ou prolongements : ces six très grandes calligraphies ci-dessous, qu’en partant très tôt juste à l’aube il a été possible de créer à l’encre de Chine et à l’acrylique sur les papiers de 215 cm de haut par 60, déroulés sur des lits de galets, des alpages trempés, des rocailles à l’avant-pointe d’une montagne.

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1

Lever du brouillard

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Très grande calligraphie née le 18 mai 2023 en amont de la Jarjatte, près de Lus-la-croix-haute, à la limite inférieure d’un brouillard épais qui ce jour-là effaçait les plus hauts sommets du département de la Drôme, arêtes et cimes calcaires altières ;

cette calligraphie, de 215 cm de haut par 60, a été créée à l’encre de Chine et à l’acrylique sur le large lit de galets du Buech, torrent vigoureux filant ensuite au Sud lointain.

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Lait de lumière,

je me lève,

le brouillard s’illumine.

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Mon crâne qui saigna

est lune sur la cime,

mes épaules chair intègre

de part et d’autre de la paroi

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qui est le grand vide

où je puise mon souffle.

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2

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Ecailles par le ciel

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Très grande calligraphie, de 215 cm de haut par 60, née le 30 mai 2023 au dessus du village de Grimone, près de Lus-la-croix-haute, sous un ciel se couvrant peu à peu, où menaçait l’orage ; la forêt de pins, de frênes et de légers mélèzes frémissait ; cette calligraphie a été créée à l’encre de Chine et à l’acrylique.

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Elles arrivent par le haut, les mères et les mortes.

Elles écartent les nuages et les ombres de plomb.

Elles replantent dans la terre les montagnes.

Elles glissent leurs mots sous mon souffle.

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Chacune se ferait écaille

pour que j’aie peau de reptile

mais je n’arrive jamais à ramper

ni ne peux me passer de mains

car je grimpe ma vie,

je fais grimper la vie.

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3 & 4

Deux très grandes calligraphies de 215cm de haut par 60 créées à l’acrylique et à l’encre de Chine sur la crête de la Croix de Toulouse, au dessus de Briançon, le 6 juin 2023.

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Ils prennent par surprise la brume pesante du réel

et sa soute la plus obscure,

puis atteignent son choeur originel,

son mythe de lave en perpétuel feu,

eux, les deux filles les trois garçons.

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Quelques heures quelques jours quelques années

après leur partie de cartes leur jeu de scène

ils seront là-haut dans une paroi

recousant, je crois, certain profil orphelin

dont tous cherchent la forme et le sens.

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5 & 6

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Et deux autres très grandes calligraphies à l’encre de Chine et à l’acrylique, créées aussi en haut de la Croix de Toulouse, au dessus de Briançon, le 8 juin 2023.

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Je les vois grimpant dans mes dalles

par mes labyrinthes verticaux,

cinq se hissant, grimpant du même rythme,

des mêmes neumes, répliques et bourdon

de la parole en rebonds

par roche cascade nuée vent,

contrechant d’efforts de bras et de mains,

lèvres ovales ou serrées.

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Guépard-paroi-proue,

je suis simple scribe

de cela que j’ai dit visage,

scribe posant un à un signes

dans le creux des entrailles du monde

pour qu’il y lise son chemin à venir

qui tire vers le haut ce qui vit

et, fécond, se moule dans la parole.

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Ghepardo-parete-prua,
io sono l'umile scriba
di ciò che chiamo volto,
uno scriba che posa segni uno a uno
nel cavo delle viscere del mondo
affinché vi legga il suo cammino futuro
che spinge verso l'alto ciò che vive
e, fecondo, prende forma nella parola.
      [Traduction de Francesco Marotta]

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Yves Bergeret

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Guépard

Le poète Francesco Marotta donne une puissante version italienne du début de ce Poema, que voici : https://rebstein.wordpress.com/2023/06/07/ghepardo-1/ (jusqu’à « Qui veut gravir écoute, tu le sais »).

Et voici, du même traducteur, la très belle version italienne de la seconde partie de ce Poema : https://rebstein.wordpress.com/2023/06/09/ghepardo-2/

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Une folle m’a poussé dans le vide.

Elle a crié qu’aimer est insupportable

et qu’en lieu et place il faut coups et meurtre.

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Au bout de vingt mètres

qui m’ont été vingt siècles

deux racines trois touffes d’herbe

m’ont retenu.

Mon crâne saignait.

Tout ce sang tel larmes par flots.

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Les parois étaient lisses et verticales.

Entre elles profond était le couloir herbeux de ma chute.

Tout en bas les pierres détachées tombées

tranchantes saillantes.

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Elle riait. Stupide. Je saignais.

Sur bras et mains me coulait le sang.

Je descendis. M’appuyant mal les mains

sur des saillies. A chaque appui

je marquais de ma paume en sang

les haltes de mon chemin abrupt de croix.

Je descendis.

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Au bas du couloir

entre les falaises muettes

suis arrivé.

Il restait de la folle

un ricanement dans le haut de la paroi,

à peine une petite stridence absurde.

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Puis dans la pente moins raide

mais encore très haut par-dessus les mélèzes

sur une dalle plate je me suis allongé.

Je saignais. Si cinglante la douleur

je me suis endormi.

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L’aube suivante m’a réveillé.

Il gelait. Je ne saignais plus. Je ne sentais le froid.

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La lueur naissante de l’est

m’a tendu sa main, sans ride sans ligne

sans empreinte. Main s’est approchée si près,

a moulé frotté la peau de mon front,

a ôté plusieurs touffes de mes cheveux,

a prélevé la moitié de mes os,

de mon nez et de mes oreilles

a extrait le cartilage.

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Je me vidais de ma vie, peut-être.

Au plus je me sentais petite brume vague

filant vers l’ouest encore nuit.

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Or justement c’est ainsi que, dépouillé, allégé,

sur la dalle de mon sommeil,

je suis né d’un bond dans mon nom,

mon nom « Guépard »,

et je vis tout beaucoup plus net et clair.

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Maintenant mes mots portent tous le liseré

certes de la douleur et d’un retrait du monde

mais le liseré est surfilé du fil d’or de ma volonté

de ma compréhension, de ma diction : et je grimpe.

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Depuis cette aube-là je grimpe ma vie

dans la chair sombre et rouge de la pensée,

depuis cette aube je me secrète un sang

plus sombre, fibreux est mon regard

qui présume d’où et vers où chemine tout carnage.

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Je défais desserre lime les griffes sordides

qui mal amoureuses tyrannisent à mort.

Je traverse tout buisson de ronces

car me voici Guépard.

Intense tel granit est mon corps.

Mon sang est parole cristalline

coulant aussi bien vers le haut que vers le bas.

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J’érode vers le haut.

Je grimpe j’érode.

Je grimpe j’affine la pensée.

J’affine la parole.

Je grimpe. La parole est plus claire

pour laquelle les vents robustes s’éprennent

des corps qu’ils respectent et allègent

jusqu’au mot central

que toujours je cherche.

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Avec moi montent les vents robustes.

Ce qui recroqueville la vie

les vents et moi l’érodons

car si je grimpe j’annihile avec eux broussailles

bavardages et tous ces litres d’huile épaisse

de la bêtise et de la haine, bêtes stupides

ne sachant que pousser dans le vide

ce qu’elles ne comprennent.

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Frère de l’aigle,

pour tanière j’ai choisi le confluent

de quatre hautes vallées

où bouillonnent les torrents.

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Entre elles, quatre monts sombres

aux cimes sauvages

vrillées dans la lumière.

Cimes qui sont mes yeux

car j’ai quatre yeux.

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Deux yeux de terre

et je vois la profondeur des gouffres,

les tourbillons et les vagues sombres

et la claudication de ceux qui n’arrivent

pas encore à consolider leurs fractures.

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Deux yeux de ciel

et je vois par delà mes cimes lumineuses

d’autres cimes, de glace et de roc, vraies barques

à mi hauteur du ciel et des constellations ;

et c’est alors que j’entends le refrain et la volonté

de tous ceux qui splendides,

même si serrés dans les barques,

migrent toute leur vie en la bâtissant.

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Aussi suis-je celui qui grimpe

et qui grimpant trace à mon tour récit

depuis les gouffres jusqu’aux plus hautes cimes.

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A chacun d’écouter récit

comme moi-même j’écoute les mythes des cimes

et les litanies des glaciers

et ce qu’en réplique offrent les rocs aux longs migrants,

bâtisseurs de demain et de toujours.

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Qui veut gravir écoute, tu le sais.

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Voici qu’aujourd’hui très haut je grimpe,

si loin du fond de vallée,

voici, en pleine paroi verticale,

voici ce surplomb protubérant.

Au sein de sa masse au dessus du vide

s’est repliée roulée recroquevillée

la part épineuse de toute vie.

La tumeur que je refuse.

Que fiel et douleur durcissent.

Acide comme monstrueux globule.

Menton de cela qui bafre, qui ignore parole,

qui dévore et rote, qui rappe, mâche, n’a pas d’yeux.

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Mes mains agrippent le dessous de la mâchoire du monstre,

je rampe dos sur le vide,

rampe horizontal, agrippé à la mâchoire noire.

Puis d’un bond d’irréelle folie

je saisis ses deux incisives

et m’y tenant des deux mains

me jette dans le vide avec tant de vigueur

que je m’envole jusque par-dessus les incisives

et plonge à rebours vers le haut, m’ouvre moi-même

dans la merveille de l’air

et, encore plus haut, me retrouve debout,

le bout des pieds juste posé sur l’éclat de rire de la montagne,

rire qui me traverse comme eau fraîche

de pur bonheur.

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Mon buste est la paroi cristalline

mère et père de tous les vents

car faisant la roue dans le vide,

si haut, si léger, je remonte à l’origine

de tout le drame humain et restaure le pur élan de naissance.

Je dispose mon élan qui est celui du monde lavé.

Je dispose mon ventre qui est poitrail d’or.

Je dispose mes épaules qui sont balancier des temps.

Je dispose ma tête qui est pure balle de joie,

de joie immense que les vents distribuent

à tous les monts à toutes les mers,

à tous les hommes à toutes les femmes

qui marchent lentement tout en bas dans l’éboulis

en soutenant par la taille ceux dont

à peine se consolident les fractures.

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Mais déjà j’oublie le menton sombre du surplomb

et grimpe encore, appelant le ciel à me rejoindre

car je suis homme si humain, aux mains si humaines

que je tiens le ciel comme toile de parachute ou de voile

qui non pas tombe mais vogue, va, sème

la parole et la joie.

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Ce matin le brouillard organise le monde.

Le brouillard est blanc

comme l’envers de la voix.

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Je desserre les longs bras tièdes des rêves,

m’étire, offre mes yeux mon souffle

au brouillard silencieux souple,

m’étire et me lève.

Mon corps se tient debout, le brouillard s’illumine

de l’ivoire de la pensée à l’éveil.

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Le brouillard est lait.

Lait de la soif

dont m’appellent les arêtes et les crêtes.

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Lait de lumière,

je me lève,

le brouillard s’illumine.

Mon crâne qui sut saigner est lune sur la cime, 

mes épaules chair intègre

de part et d’autre de la paroi

qui est le grand vide

où je puise mon souffle.

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A mon ventre et mon sexe

surgit la source de ma vie

qui donne vie à la source

des eaux qui sculptent la paroi

la vallée l’éboulement les relevailles

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A mes jambes s’enlace le brouillard

comme l’enfant à celles de sa mère debout

et elle va chanter.

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Voici l’ocelle de mon nom

qui passe à mon index, à son tour, l’anneau

d’une dignité à laquelle obligent certains ancêtres

parce qu’ils surent rester libres.

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Voici l’ocelle de ma continuité dans le temps

qui rapproche la paroi immémoriale de mon simple rachis.

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Voici l’ocelle de la flexion de mes genoux

et jaillissant par son cercle chaque aube je réapprends

à me lancer en flèche dans la question infinie.

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Voici l’ocelle de ma désintoxication des objets

qui m’allège m’allège m’allège

jusqu’à la proximité du cœur du vent.

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Voici l’ocelle de l’immensité de mon respect

que jamais assez je n’atteins et pourtant ce havre

est le seul pour ne pas s’asphyxier dans les haines.

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Voici l’ocelle de ma scission en deux

comme la monnaie ou la lune ont deux faces

et même je préfère m’écarter de moi-même

par-dessus la faille des eaux originelles.

Voici l’ocelle du puits de ma joie

si profonde et profuse sous les douleurs que rire

et sourire et rire éclaboussent chacune et chacun

dans les ressacs des éboulis avant que je ne grimpe.

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Voici l’ocelle de l’orchestra

où nu-pieds nos mères incantent chaque printemps

la gestation, la parturition, la crainte d’or et de sang.

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Voici l’ocelle de la ceinture de l’équateur

vaste comme les vents étésiens

et j’ouvre sans fin les crans de ma ceinture

pour qu’affamés et meurtris du Sud

puissent atteindre un accueil au Nord s’il sait.

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Voici l’ocelle de la surrection de la montagne

qui s’effrite et se hausse avec les vents et moi

car je grimpe et j’érode

j’érode et je grimpe.

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De la vêture de ma fourrure ocellée

je me départis à toute heure,

que je grimpe à l’arbre qui accède au ciel

ou que je grimpe à la paroi qui jaillit de la mer.

J’accepte le souple maillage des ocelles

et le quitte à chaque relais de mon escalade,

puis je le reformule plus clair.

Chaque jour me voici plus léger, plus svelte,

tout brouillard dissipé,

dans l’aube à la source de la pensée

dans la vapeur de la parole qui juste à son aval

frémit, ocellée.

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Proue

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1

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Je regarde droit devant

dans la matière aimante de la vie.

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Mon regard entre dans la chair de la vie.

Mon âme est proue,

n’est que proue.

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La vie selon ses vagues et ses souffles de houle

me soulève, me soulève, j’en attraperai

les martinets en plein soir.

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3

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Et aussi la vie me laisse décliner en glissant ;

j’en recueille dans la double coquille de mes mains

les filaments salés, les biles sombres.

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4

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Mon mouvement n’est que proue,

je me lève à nouveau

entraînant foule des montagnes,

cortège des vivants et des morts,

même ceux qui meurent seuls

dans une chambre ignorée.

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5

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Proue simple de bois

ouvrant l’immense polyphonie

des quatre torrents

et des oiseaux qui les chantent

avant même l’aube.

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6

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Ne va, ne va que de l’avant la proue.

Proue je suis

et j’ai l’énergie du guépard

mais je cours sans tuer jamais,

tirant la coque des miens et de tous

et la poupe des morts.

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7

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Proue je vais,

tirant les montagnes qui

fendent les houles en s’inclinant

dans le rebond et la joie.

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Photos H. Bruce & DR

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Yves Bergeret

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Ecoute qui part

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Poème crée et calligraphié en deux strophes dans le vallon de Baïn, au dessus de Châtillon-en-Diois, à l’acrylique et à l’encre de Chine sur deux quadriptyques de Rosaspina 220g, de Fabriano, au format déplié de 35 cm de haut par 100, le jeudi premier juin 2023 avant l’orage.

Et, grâce au poète Francesco Marotta, le voici, vif et de plein vent, dans la langue italienne : https://rebstein.wordpress.com/2023/06/03/ascolta-chi-parte/

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Il part, il traverse

les plateaux et les monts,

porteur du ciel et du vent.

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Au fond de la gorge du karst

ou du corps

il reçoit puis donne

ce que la vie lui donne.

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Yves Bergeret

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