3 calligraphies de la Montagne d’Aurouze, en Dévoluy, par Catherine Reeb
Poèmes de Catherine Reeb, qu’elle a calligraphiés à l’acrylique et à l’encre de Chine, devant la Montagne d’Aurouze, sur papier Clairefontaine 250 g, en format déplié de 59,3 cm de haut par 42, les 25 & 26 octobre 2022.
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Ces trois poèmes se lisent dans une traduction italienne très rythmée, du poète Francesco Marotta : https://rebstein.wordpress.com/2023/03/14/la-montagna-daurouze/ (2ème partie de cette traduction).
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1
La Montagne
Se fait sablier
De sa propre impatience
A connaître le dénouement
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2
L’astre s’échappe
Ôte le joug des rocs
Eau noire
Galets assoiffés
Suppliques en sous-sol
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3
La montagne rêve
De porter l’eau au ciel
Étirant ses pics
Au delà des nuages
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Le flot dévale
Inlassablement,
Rattrape le torrent
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Catherine Reeb
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2 très grandes calligraphies de la Montagne d’Aurouze, en Dévoluy
Regardant de l’aube au soir la face ouest de la haute Montagne d’Aurouze, près de La Cluse en Dévoluy… alors sont venus ces deux poèmes en très grandes calligraphies de lettres alphabétiques et de gestes de couleurs acryliques, sur papier renforcé de 215 cm de haut par 60, les 25 & 26 octobre 2022.
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Le poète Francesco Marotta présente de ces deux poèmes une version italienne, profonde, que voici : https://rebstein.wordpress.com/2023/03/14/la-montagna-daurouze/
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Le ciel est plat.
Les montagnes gagnent les profondeurs.
Les vents prennent mes bras
et les plongent en bas ;
je remonte les pains, le langage.
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Neumes notes croches,
ce sont rocs et vents qui décident.
Je reprends amoureux indocile
leur grand chant.
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Yves Bergeret
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Dure paroi
Ces photos ont été prises par Harold Bruce le samedi 15 octobre 2022 par grand froid lors de son ascension (avec deux compagnons de cordée) de la face sud-ouest du Pic Sans Nom (3913 mètres), sommet qui domine le Glacier Noir, près de Briançon.
Dans une talentueuse mise en page, le poète Francesco Marotta donne sa version italienne de ces quatre poèmes, ici : https://rebstein.wordpress.com/2022/10/27/dure-paroi-ardua-parete/
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1
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Le gel.
Le centre de la nuit.
Le fracas des étoiles
qui m’écrasent les doigts.
Roche paroi montagne,
tout s’étreint
plus étroit plus dur.
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Puis époustouflante
l’aube qui jette
en travers du ciel
le chaud drapeau de la vie.
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2
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Les mélèzes qu’enflamme l’automne
sur sept vires en pleine paroi
poussent mes cris de joie.
Même au centre de la nuit
même dans la masse minérale
la cascade est la flamme
de la bougie renversée tête en bas
que je serre dans ma paume,
que dans ma pensée je serre.
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3
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Je suis en trois.
L’un grimpe tout contre moi
et m’instille la ténèbre.
Un autre sue toutes les larmes de son corps
à ôter du mien les clous.
Impossible de savoir où entre eux je suis.
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La montagne est mon bâti,
mon miroir, ma compréhension
à géantes marches
sans qu’elle me dise pour aller où.
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4
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Le vallon glaciaire
courbé plié rond
entre les deux parois
entre mes deux temps
entre mes deux tempes
.
c’est l’empreinte de la nuque et du crâne
qui se sont appuyés ici à toute force
à tout espoir
pour jeter dans l’espace encore aphone
le sens et le chant de la parole que je cherche.
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Yves Bergeret
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L’Art du boulanger
Les bus tournent devant
la boulangerie du carrefour,
ici les gens tournent la tête, les yeux, le cou
les angles les miroirs les obliques de la boutique
heurts et entrechocs de la vie,
jaune citron, bleu clair et vermillon
tissus rouges à gros pois blancs,
en large écriture partout
listes de prix dans petits cadres blancs
listes de friandises listes sous petits cadres bleus
.
il monte, le boulanger, il descend les grosses marches
vers le four dans la cave,
feu du magma sous la croûte,
les hautes contremarches de sa vie
jusqu’à quel golfe
jusqu’à quel nuage
d’où faire tomber pluie grêle et farine
et levain et lendemains
.
contremarche un pain contremarche un pain
dix pains une aile vingt pains deux ailes d’aigle
l’aigle déploie deux ailes
plus sa queue
vole où
.
ai-je four assez grand assez chaud pour faire
décoller au ciel ma vie mes enfants mes voisins
mes ennemis roux et leurs chiens crasseux
.
il se lave vingt fois les mains
les paumes aux rides emplies de farine
.
semelles talons blancs
vifs pas de la cave au trottoir dans la rue
visage blanc de poussière de farine
.
l’étage du four
l’étage du pétrin
l’étage du comptoir
l’étage du vent, aveugle aux détails,
ce qui compte et clame
c’est la couleur du manège,
vertigineuse comme l’espoir,
manège perpétuel
sauf si en échappent le jaune le mauve le bleu,
nacre ensellée sur la plage claire
entre vie et mort
le jaune le mauve le bleu
sur les murs de la boulangerie
jaune mauve vert
hélice du bateau modeste
qui lance au large le sommeil des
passagers affamés des bus.
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Yves Bergeret
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