Falaise
Cycle de neuf quadriptyques (65 x 50 cm) créés au col des Caux, devant les piliers verticaux de la falaise sud du Roc d’Ambanne, près de Die, août 2011-novembre 2013
Peintures d’Eric Brault
Poèmes d’Yves Bergeret
1.
La brume vient plier la falaise
dans un interlude fracassant.
*
Cinquième ou millième réplique,
la montagne appuyée sur son vide
relance l’épopée.
2.
Aux voix du sol
les piliers de la falaise
répondent dans l’autre sens, depuis la fin.
*
Pierres qui chutent verticales
en mourant en tuant
sifflent à l’envers
le chant du lever du monde.
3.
Prophète, le calcaire
qui secoue le fond de la mer
et ouvre la légende nasale du plat de la plaine.
*
Naseaux du ciel
palpitent :
c’est la falaise.
4.
Flottant sur la panique de la plaine
la falaise tranche par soleil et vent.
*
Seule,
éthique, la parole
prend de plein fouet
les ressentiments, les nuages.
5.
La rumeur monte
en brouillard
contre le mur du fond de scène.
*
Enfin
la falaise s’ouvre :
livre moderne
à écrire, puis dire.
6.
Personne n’a répondu
si la légende
monte ou descend
en frottant la falaise
qui râpe le ciel par son flanc humain.
*
Tout se hisse
même la pierre épuisée
même l’avalanche de minuit
même la parole
les soirs où elle est lasse d’enfanter.
7.
Elle entend
une flûte exaspérée
avant de mourir,
elle entend la porte
qu’on claque,
la falaise mille mètres trop haut.
*
A ses pieds
le ravin et la pente
ne respirent que par elle,
ne boivent que par elle,
ridés jusque dans l’ombre rouge
de leur terreur.
8.
Cachés dans les coulisses,
la falaise maternelle
feint d’oublier nos héros
cachés entre ses piliers,
arrogants comme des mouches.
*
Elle les jette à l’avant-scène,
la falaise dure,
elle les jette en pâture au soleil,
nos rêves grandioses,
étrillés entre honte et rire.
9.
Jamais ne se voit si bien
le hardi bégaiement de la parole
que dans les ressauts de la falaise,
calcaire, air, calcaire, ressac
et calcaire encore dans la poigne acide
de l’océan desséché.
*
Epigraphe
de la conscience qui s’ébroue,
deux ou trois séismes
avant la première phrase.
*****
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