Archive | décembre 2013

Falaise

Cycle de neuf quadriptyques (65 x 50 cm) créés au col des Caux, devant les piliers verticaux de la falaise sud du Roc d’Ambanne, près de Die, août 2011-novembre 2013

Peintures d’Eric Brault

Poèmes d’Yves Bergeret

1.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 1a

La brume vient plier la falaise

dans un interlude fracassant.

*

Cinquième ou millième réplique,

la montagne appuyée sur son vide

relance l’épopée.

2.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 2a

Aux voix du sol

les piliers de la falaise

répondent dans l’autre sens, depuis la fin.

*

Pierres qui chutent verticales

en mourant en tuant

sifflent à l’envers

le chant du lever du monde.

3.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 3b

Prophète, le calcaire

qui secoue le fond de la mer

et ouvre la légende nasale du plat de la plaine.

*

Naseaux du ciel

palpitent :

c’est la falaise.

4.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 4a

Flottant sur la panique de la plaine

la falaise tranche par soleil et vent.

*

Seule,

éthique, la parole

prend de plein fouet

les ressentiments, les nuages.

5.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 5a

La rumeur monte

en brouillard

contre le mur du fond de scène.

*

Enfin

la falaise s’ouvre :

livre moderne

à écrire, puis dire.

6.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 6b

Personne n’a répondu

si la légende

monte ou descend

en frottant la falaise

qui râpe le ciel par son flanc humain.

*

Tout se hisse

même la pierre épuisée

même l’avalanche de minuit

même la parole

les soirs où elle est lasse d’enfanter.

7.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 7b

Elle entend

une flûte exaspérée

avant de mourir,

elle entend la porte

qu’on claque,

la falaise mille mètres trop haut.

*

A ses pieds

le ravin et la pente

ne respirent que par elle,

ne boivent que par elle,

ridés jusque dans l’ombre rouge

de leur terreur.

8.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 8b

Cachés dans les coulisses,

la falaise maternelle

feint d’oublier nos héros

cachés entre ses piliers,

arrogants comme des mouches.

*

Elle les jette à l’avant-scène,

la falaise dure,

elle les jette en pâture au soleil,

nos rêves grandioses,

étrillés entre honte et rire.

9.

Poèmes de la falaise de Roc d'Ambanne, 2011-2013, 9a

Jamais ne se voit si bien

le hardi bégaiement de la parole

que dans les ressauts de la falaise,

calcaire, air, calcaire, ressac

et calcaire encore dans la poigne acide

de l’océan desséché.

*

Epigraphe

de la conscience qui s’ébroue,

deux ou trois séismes

avant la première phrase.

*****