Archive | août 2022

Sitôt né

Poème issu de la cinquième très grande calligraphie de Genèse, troisième cycle de Rebonds, et créé et calligraphié à Castres le 16 août 2022.

On le lit, grâce au poète Francesco Marotta, en italien dans la seconde partie de la traduction, fort belle, dont voici le lien : https://rebstein.wordpress.com/2022/09/05/genesi/

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1

« Montagne, je te sais arbre ».

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« Dans les feuilles de l’arbre, dis-tu,

je souffle.

Si l’aigle me guette, je lui tends la neige en miroir.

Si le vautour s’impatiente, je l’affame ».

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2

« Quel alphabet palpite dans mon souffle ! ».

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3

« Elle grandit, la montagne, arbre gris et or.

Ma flamme durcit l’écorce.

A mon feu je me brûle.

Eclairant la montagne

j’érode en tous sens ».

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4

« À mon souffle son tronc s’apprivoise.

Elle et moi valsons d’une lune à l’autre

guépard bondissant ».

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Yves Bergeret

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REBONDS, 3ème cycle, Genèse

Du 12 au 14 juillet 2022 j’ai créé et calligraphié, avec les mêmes techniques et mêmes supports (215 cm de haut par 60) que pour les deux premiers cycles, les six poèmes de ce troisième cycle, Genèse. (On se rappelle la dynamique des deux premiers cycles : https://carnetdelalangueespace.wordpress.com/2022/07/19/rebonds-1978-2022-oeuvre-au-long-cours/)

En cette mi-août, mon travail a été toujours porté par l’esprit du Glacier Noir, tel que dans le deuxième cycle de Rebonds, mais aussi par l’esprit de la Résistance, du respect absolu du dialogue et de la parole donnée : personne humaine, même naissant au monde, et montagne se respectent et s’écoutent vraiment, se grandissent, grandissent ensemble.

Le lieu même de cette création était parfait : l’ancienne école d’Aussillon, qui fait depuis une quinzaine d’années fonction de centre d’art communal, au pied de la Montagne Noire, dans le Tarn entre Mazamet et la très belle ville de Castres ; je ne saurais assez remercier Paul Foursin, de l’association Ha Ha Art, et Jeanne Gleizes, présidente de l’association : ainsi que Danièle Mailhebiau.

Le 31 août 2022 Genèse en ses six très grandes calligraphies est présenté à Die, grâce à Anne-Marie Poncet, à qui j’adresse de vifs remerciements.

Le poète Francesco Marotta traduit Genèse en italien dans une très belle version que voici : https://rebstein.wordpress.com/2022/09/05/genesi/

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1

Tu nais,

en trois bonds lumineux

la montagne vient habiter sous ton front.

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Tu nais,

le torrent t’offre ses cordes vocales.

Vous vous parlerez avant la neige.

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A peine ouvres-tu les yeux

certains nuages déjà t’emportent sur leur dos.

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Dans tes yeux sombres veillent plusieurs montagnes,

celle aux sources rouges,

celle au lait profond,

ou celle à profil de vent du large, du grand large.

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2

Disponible aux serres de l’aigle, voici le granit.

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Libre fissure dans la paroi verticale.

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Béante, la brèche, béante à la ruée du vent.

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Voici bouche future,

déjà un murmure, un prologue.

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A toi de mettre en récit

mont et piémont

et combe et moraine,

sombres et clairs

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épaules fines ou larges,

marines ou réelles,

solaires ou d’apnée…

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3

Les torrents grondent,

l’avalanche à rebours cherche le vent, l’aube.

Les sabots du ciel

cognent contre le granit.

La montagne, est-ce qu’elle s’écarte ou se réunit ?

« Mes bras, dis-tu, sont courts

mais savent.

Ma salive lie les pierres.

Je n’ai pas le temps pour le doute.

C’est moi qui ouvre le socle de la montagne.

Mes bras lui ouvrent une baie

où l’océan accourt,

voici un port, des quais,

c’est ma fable claire. »

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4

« Je marche sur l’eau.

Mes pieds, dis-tu, sont des barques.

J’éclabousse, j’asperge, j’abreuve la montagne,

elle grandit, arbre exubérant

vacillant vers… »

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5

« Dans les feuilles de l’arbre, dis-tu, je souffle.

Quel alphabet palpite dans mon souffle !

Elle grandit, la montagne, arbre gris et or.

A mon souffle son tronc s’apprivoise

et jusqu’à mes genoux s’incline ».

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6

« L’ancre, dis-tu, je l’aime, l’embrasse, je la laisse

et le souple tronc se relève,

bondit à ses quatre mille mètres.

Qui est l’ancre, elle ou moi ?

La mince espèce humaine,

juste graines minérales et minotières,

un peu de bris, de grincements de dents

entre les lèvres du monde assoiffé de sens…

mais torrent, neige et glace

se précipitent, ah l’avalanche

qui frissonne

par mes bras grand ouverts,

qui maçonne. »

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Yves Bergeret

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Six fois plus clair, six fois

1

Oisans, autour de la Barre des Ecrins, avril 2022 (D.R.)

Mes yeux doivent-ils pleurer si d’avril à août mes Alpes ont perdu l’onctueuse esthétique commode au ski pour rejoindre l’âpreté minérale des déserts que j’adore ?

Oisans, autour de la Barre des Ecrins, août 2022 (D.R.)

2

Guêpe carnivore : un ambassadeur des ayatollahs iraniens veut que sous sa férule je retraduise Rûmî. Sous sa férule.

Rûmî et moi éclatons de rire.

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3

Là-bas, encore plus à l’est, une borgne arrogance de plaine prétend tout peuple montagnard « minorité nationale ».

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4

Aveugle et sourd qui n’entend pas ce que dit la montagne.

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5

Tyran et mafia adorent toute victime mutique.

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6

Peindre au mur transmet vie, volonté de vivre, salut à la vie. Fille de la vie, l’image. L’image au mur agit.

Hommage à François Arago (1786-1853), physicien, astronome et député engagé pour le progrès social lors de la Seconde République (fresque de A. Sauvage, années 1950, dans un bar du quartier de l’Observatoire à Paris).

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Yves Bergeret

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