Archive | mai 2017

L’Etranger à Auxerre

Deux poèmes

qui se lisent traduits en italien par le poète Francesco Marotta là :

https://rebstein.wordpress.com/2017/05/19/letranger-a-auxerre/

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Le second de ces poèmes, en français et dans la traduction italienne de Francesco Marotta, est repris sur le blog italien de Gianluca Asmundo (de Palerme et Venise), à cette adresse : https://peripli.wordpress.com/2019/01/02/183-portofranco-7-yves-bergeret-letranger-a-auxerre-lo-straniero-a-auxerre-traduzione-di-francesco-marotta/

en solidarité totale avec tous ceux qui s’opposent à la « fermeture des ports » italiens, décision xénophobe et raciste prise en juin 2018 par le gouvernement italien (d’extrême droite et populiste) dès son arrivée au pouvoir contre les migrants chassés de chez eux par la guerre, la faim ou l’extrême misère.

Notre devoir, notre dignité, c’est l’accueil.

YB

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Sur trois diptyques horizontaux de Clairefontaine 180g au format A4, en quatre exemplaires, poème créé avec lavis d’encre de Chine, collages et acrylique par Yves Bergeret à Auxerre les 9 et 10 mai 2017 ; en regardant la voûte peinte au onzième siècle dans la crypte de la cathédrale.

 

1

Silencieux n’est pas mon cheval.

Muette n’est pas son encolure.

Docile n’est pas sa croupe.

 

En martelant le ciel de ses sabots

mon cheval a partout fait tomber

le badigeon de la peur, la couleur blanche.

 

2

J’ai quatre ailes,

deux longues fines blanches d’abord,

puis deux beiges ou brunes

qui battent l’air comme séismes de montagne.

 

Je suis le souffle de chaque montagne,

le foie de chaque montagne.

 

Nous n’avons pas tous bouche muette.

 

3

Je chante à lèvres mi-closes,

la montagne entre debout sous la voûte.

Je chante, couarde la violence fuit,

la misère retourne sa main.

La paume étire ses rides, ses lignes.

Le chant étend le récit

du jeune désespéré qui traverse

au milieu des morts désert, guerre et mer.

Les mots avancent sur les lignes des rides,

à pas alternés, sur les crêtes de la montagne

où l’on se salue, vifs, calmes, clairs.

*

Sur trois polyptiques horizontaux à huit volets, chacun de 5,5 cm de haut par 13, en deux exemplaires, sur Bouffant 160 g, créé par Yves Bergeret les mêmes jours à Auxerre avec lavis d’encre de Chine et acrylique.

 

1

Te nommer allège ma dette.

*

 

A la lune pleine s’arrête net au milieu du pont

celui qui entend que même les grenouilles chantent

et voit que sa vie allait rouiller.

*

 

Dos voûté, bouche tombante,

même le cri de la colère a déserté

l’homme au cœur mutique.

*

 

A la terrasse du bar que désertent les gens du bourg

je m’assieds : le bar des étrangers.

*

 

2

A la proue l’écume :

langue que nous créons,

à bâbord vierge,

à tribord veuve.

*

 

Genoux émaciés

pédalier silencieux,

la côte longe le cimetière des noyés.

Arriverons-nous en haut avant la haine ?

Avant leur désespoir ?

*

 

Dans son téléphone, des photos épouvantables

de sa traversée, des noyés.

Il brasse les photos chaque nuit en jeu à jamais de cartes.

Si, si, le destin sera bon, fraternel.

*

 

Dans son sillage

une odeur de brousse, de cendres humides,

de nourrisson, de lin lavé

par les tornades carnassières de la pauvreté.

*

 

3

Il porte un anneau de fiançailles.

A qui ? à l’ombre au centre ?

*

 

Les deux paumes à plat au sol

ou même les deux oreilles collées à terre.

Une racine le ramasse.

Il s’y regroupe.

Jamais.

*

 

Il est parti de Guinée en cachette.

A pensé mourir entre les mains des trafiquants.

Il brûle dans la flamme de la flamme de la bougie.

*

 

Source de la flamme

qui ne consume rien, sauf lui,

qui ne détruit rien sur notre montagne de sel.

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