Quadrittici di viaggio
« Quadriptyques de voyage »
Création avec Barbara Iannello et Simone Di Franco
– Lundi 22 Juillet 2013, au Pas de l’Essaure, au fond du vallon de Combaut, près de Die
Piccoli uomini di pietra
custodiscono il cammino
per la stiva della valle.
Poiché vengo da luminose distese
di sale infecondo e ho preso
dimora sulla torre lignea
di una nave africana,
dicono mi sia difficile leggere
la metamorfosi del mare in altitudine :
oltre la coffa degli alberi,
scorgo adesso il cimitero
delle balene, e i bianchi denti
del pescecane, e il volo
delle acciughe tra i flutti verdi.
Ma l’Ago cuce vele che si annerano
e mi intimano ancora di andar via,
mentre il mio sangue stanco riposa
in questo inchiostro.
*
Petits cairns
gardent le chemin
dans la calle de la combe.
Parce que je viens des étendues lumineuses
du sel infécond et que j’ai pris
demeure dans la tour ligneuse
d’un bateau africain,
lire la métamorphose de la mer en altitude
va, dit-on, m’être difficile :
au-delà de la hune des arbres
je viens d’apercevoir le cimetière
des baleines et les dents blanches
du requin, et un vol
d’anchois entre des vagues vertes.
Mais le Mont-Aiguille coud des voiles qui noircissent
et qui m’intiment de partir
tandis que mon sang fatigué repose
dans cette encre.
BI et SDF
***
Au fond du poumon de la montagne
la mer renaît,
énoncée, chantée
*
Al fondo del polmone della montagna
il mare rinasce
enunciato, cantato
YB
***
– Mardi 23 juillet 2013, au Claps, près de Luc en Diois, près de Die, le mardi 23 juillet 2013
Du chaos renaît le chant.
Puis la parole.
Et ses chambres de lumière.
Et son ombre double
où mûrit la foudre.
*
Dal caos rinasce il canto.
Poi la parola.
E le sue stanze di luce.
E la sua ombra doppia
dove matura il fulmine
YB
***
Ho resistito
al precipizio gelido della morte,
allo spacco del cielo e della pietra.
Mi sono nascosto
tra le lastre tombali del caos
dove ho sentito cantare
la vita.
Ma il passo frana
nel fuoco di un rompicapo
da ricomporre
*
J’ai résisté
au précipice glacé de la mort,
à l’éclatement du ciel et de la pierre.
Je me suis caché
entre les pierres tombales du chaos
où j’ai entendu chanter
la vie.
Mais le pas trébuche
et glisse dans le feu d’un rébus
à recomposer
BI et SDF
***
– Mercredi 24 juillet 2013 le matin, dans les Gorges des Gats, près de Die
Per trovare l’azzurro
della città promessa
devo voltargli le spalle
e accostare l’orecchio alla gola,
aspirare il respiro sordo della falesia,
sopportare il ferro di una lingua di cielo.
Seguendo il mosaico di pietra,
ho accordato la parola
di un torrente di vetro.
*
Pour trouver l’azur
de la ville promise
je dois lui tourner le dos
et poser l’oreille sur la gorge,
aspirer le souffle sourd de la falaise,
supporter le fer d’une langue de ciel.
En longeant la mosaïque de pierre
j’ai accordé la parole
d’un torrent de verre.
BI et SDF
***
Se plie la montagne pour ouvrir gorge
où la parole se mette en cortège
vers une grande agora
*
Si piega la montagna per aprire gola
dove la parola si metta in corteo
verso una grande agorà
YB
***
– Mercredi 24 juillet 2013 l’après-midi, aux Ferriers, à Boulc, près de Die
Se laggiù,
tra le pieghe delle falesie,
l’enigma di pietra
non inganna,
scavalcherò
il blu oltrecielo
per giungere
alla città invisibile.
E anche se il foglio abbaglia
e il cane mostra i denti,
conservo nella testa
la memoria dell’osso leggero
e negli occhi
l’atlante immenso
di ogni sentiero.
*
Si en bas
entre les plis des falaises
l’énigme de pierre
ne me trompe pas
je sauterai l’obstacle
du bleu outreciel
pour joindre la cité invisible.
Et même si le blanc de la feuille m’aveugle
et si le chien me montre les dents
je garde dans ma tête
le souvenir de l’os léger
et dans mes yeux
page à page
l’atlas immense
de tous les sentiers.
BI et SDF
***
Les montagnes portent le ciel
et l’enfance de l’agora
vers tant d’ombre non dite
*
Le montagne sostengono il cielo
e l’infanzia dell’agorà
verso tanta ombra non detta
YB
***
– Jeudi 25 juillet 2013 au couchant, sur un pré entre Mens en Trièves et Lalley, près de Die
Sembravano ormai demolite
nell’alveare della testa
le mura della città ideale,
quando ho scorto il balzo di un dio
tra due raggi di sole:
sfiorato dalla sua rosea guancia,
ho riconosciuto il suo odore d’erba…
*
Semblaient désormais démolis
dans la ruche en folie de ma tête
les remparts de la cité idéale,
lorsqu’entre deux rayons de soleil
je vis soudain bondir un dieu :
rose sa joue m’a effleuré,
j’ai reconnu son odeur d’herbe…
BI et SDF
***
Dégorgeant de couleur
la montagne que je portais
me reprend sur ses épaules
vers la prochaine escale
*
Ridando ogni colore
la montagna che portavo
mi riprende sulle sue spalle
verso il prossimo scalo
YB
***
– Dans les gorges de la Roanne, près de Die, le vendredi 26 juillet 2013
Attraverserò il deserto
oltre la colonna fossile del cielo.
Sarà poi la consolazione dell’ombra,
e il guado del fiume
che riposa nel suo segreto.
Proprio lì si quieta
la giostra del vento,
tintinna l’argento dell’acqua.
*
Je traverserai le désert
bien au delà de la colonne fossile du ciel.
Il y aura ensuite la consolation de l’ombre,
et le gué du fleuve
qui se repose dans son secret
C’est exactement là que se détend
la joute du vent,
que pétille l’argent de l’eau.
BI et SDF
***
Dans demain
la rivière creuse son coude
et la montagne se plie
là où la parole joue
plus loin que son rêve
*
Nel domani
il torrente scava il suo gomito
e la montagna si piega
là dove la parola suona
più lontano del suo sogno.
YB
***
– Samedi 27 juillet 2013, au bord de la Meyrosse, en amont des Planauds, près de Die
In un sasso nero
tolto alla corrente,
la preghiera del ritorno;
in un fiore di carta,
il mio diario di bordo.
E con la prua del cuore al mezzogiorno,
sotto lo smalto del cielo
ho messo in fila parole
d’acqua e roccia e vento
da sussurrare alla bocca
del vulcano.
*
Dans un galet noir
pris dans le courant,
la prière du retour;
sur une fleur de papier
mon journal de bord.
Et la proue de mon cœur au sud
sous l’émail du ciel
j’ai embarqué des paroles
d’eau et de roche et de vent
à murmurer à la bouche
du volcan
BI et SDF
***
Chaque aube
à la parole
et à son ruisseau qui ignore le désespoir
la montagne revient
*
Ogni alba
verso la parola
e al suo ruscello che ignora la disperazione
la montagna ritorna
YB
***
Tegu dumno abada
Ensemble de six quadriptyques à l’encre de Chine posée au piquant de porc-épic sur le thème de tegu dumno abada = la parole qui ne cesse jamais créé dans la grotte de Bisi,au centre du plateau sommital de la montagne de Koyo, le 31 juillet 2008.
Dans le continuum de la pensée symbolique d’un espace montagnard dans le Nord du Mali, j’ai vécu et travaillé tout au long de vingt deux séjours de création, de 2000 à 2009, avec un groupe de cinq peintres-cultivateurs de l’ethnie dogon Toro Nomu ; à notre groupe a été adjoint progressivement un captif de Peul, tisserand et peintre-cultivateur du village de plaine de Nissanata.
YB
***
– quadriptyque avec Dembo Guindo
volet de gauche : « un arbre pousse sur la terre fertile créée de main d’homme par concassage du grès » ; 1er volet de droite : « le ciel » ; 2ème volet de droite : « la montagne de Koyo ».
La parole pousse ses racines
dans la terre et dans le ciel.
Les pierres s’envolent en piaillant.
Sur les nuages les ombres roulent.
Comme bat le cœur du vent
la parole se distribue.
– quadriptyque avec Hamidou Guindo
1er et 2ème volets de gauche : « les objets traditionnels et les rites dogon, dont les chants (figurés par les cercles) » ; volet de droite : « les grands objets dogon à pouvoir magique ».
Par ses cascades la montagne se serre la taille.
L’homme marche dans les pas de la femme.
La vie se glisse dans la jeune ombre.
Ainsi tout moule sa forme sur la parole.
– quadriptyque avec Hama Alabouri Guindo
1er volet de gauche : « un poète, qui ne finit jamais » ; 2ème volet de gauche : « la parole, qui ne finit jamais » ; volet de droite : « la terre fertile créée de main d’homme par concassage du grès, terre qui ne finit jamais elle non plus. »
En archipel
naissent les montagnes sur le sable
voulant la phrase
que je bêche
de l’aube à l’aube.
***
– quadriptyque avec Alguima Guindo
volet de gauche : “ chaque matin tu découvres quelque chose de nouveau, car la parole est infinie ” ; 1er volet de droite : « la maison d’Yves à Die » ; 2ème volet de droite : « en haut à gauche, la montagne de Koyo ; en haut à droite, celle de Die ; en bas l’amitié qui les lie l’une à l’autre. »
Entre l’eau et l’ombre
la montagne hésite.
Entre la première et la deuxième parole
la vie s’agenouille
et se désaltère.
***
– quadriptyque avec Belco Guindo
volet de droite : “ les paroles ” ; 2ème volet de gauche : “ [ces paroles] rentrent toujours à l’est, en haut à gauche, à l’ouest, en haut à droite, au sud, en bas à gauche, au nord, en bas à droite ” ; 1er volet de gauche : “ et toutes les paroles aboutissent au milieu (ben kenda) entre les quatre points cardinaux ”.
L’horizon a-t-il des ailes plus fortes
et la nuit des paupières plus lourdes
que le vent de la parole
qui aspire
au centre ?
***
– quadriptyque avec Yacouba Tamboura
volet de gauche : “ les enfants, l’oiseau et l’arbre sont les paroles infinies ” ; 1er volet de droite : “ en bas, la terre ” ; 2ème volet de droite : “ le ciel ; entre la terre à gauche et le ciel à droite, un Ancien dont la parole infinie ne peut monter ni descendre ”.
L’arbre a rêvé
que la montagne avait des fleurs :
les hommes et les oiseaux.
A leurs becs, à leurs lèvres
le pollen intrépide de la parole.
*****
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