La Maquette (8 Tissus-du-ciel)
L’épisode précédent, le septième, intitulé Le cheval, et celui-ci, intitulé Tissus-du-ciel, se lisent en italien dans une claire et puissante traduction du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/05/23/il-plastico-7-8/
YB
Le martèlement du tailleur de pierre
et du cheval et du chant rythmé des
chanteuses et du cheval continue si longtemps
dans les coulisses de l’air et de la terre,
si longtemps continue
que le cœur m’en frissonne encore.
Si longtemps qu’il lève à l’exact mi-parcours
de la lune dans la nuit qui suit
de très hauts tissus lumineux et presque
transparents : ils vont en double ou triple lent
cortège, sinuant verticaux à la surface des eaux
comme les rideaux onduleux d’une aurore boréale.
Ils sont colorés, chacun monochrome,
avec des mots à très grandes lettres noires
parfois entrelacés de traits de couleur.
Je le décris par mail à l’architecte.
Je lui demande s’il connaît cette merveille.
Il me fait en réponse remarquer
que les mots calligraphiés sur les tissus mobiles
composent certaines phrases de mes poèmes
et même seront les aphorismes à inscrire
en frise en haut des parois des couloirs et des salles
à bâtir autour de la source.
Certains tissus qui, outre leur éclat boréal, brillent
de la lueur d’avant l’aube, sont nés, avec les mots
qu’ils portent, dans la montagne de grès où j’ai vécu
et travaillé tant d’années de l’autre côté de la mer,
de l’autre côté, bien loin, très loin. En plein Sahara
la montagne vivait, orange et beige.
Les quelques habitants de la montagne
et moi avons créé et peint ces simples
et très souples poèmes, simples figurations
à jamais de la parole de la parole.
C’est ainsi que les strates de carton ondulé
de la maquette ont la couleur de la montagne du désert.
Le poème né au désert en son plus grand dénuement,
en sa plus aiguë beauté aime revenir à nous
par le point rouge de la source.
Certaines nuits d’après tempête, il aime revenir
à nous par d’ondoyants rideaux très légers
qui rythment le ciel par son haut, peuplé
de minerais sombres en suspens,
qui rythment le ciel par les harmonies basses
d’un souffle qui ne cesse jamais, comme la parole.
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2 réponses à “La Maquette (8 Tissus-du-ciel)”
Rètroliens / Pings
- 23/05/2020 -
A la lecture de cette suite suite de poèmes sur la maquette, je suis évidemment sous le charme des mots, des dessins, des peintures, des illustrations. Comment dire cette joie profonde à découvrir au fil des jours ce que le poète dépose sur sa feuille et ses toiles ? Merci cher Yves pour ces merveilleux moments !