Journal barbare
Cycle de poèmes écrits le 29 mai 2015 par Claude Guitton en remontant sur les hauts plateaux du Vercors où il habite, après avoir lu les quadriptyques franco-chinois et franco-sénégalais (créés quelques jours auparavant et publiés sur ce blog), et après avoir rencontré à Die et à Sainte-Croix l’écrivain sénégalais et le poète français.
Le poète Francesco Marotta a traduit en italien ce poème, ici : Journal barbare | La dimora del tempo sospeso (wordpress.com)
*
I
Je suis le vent barbare qui disperse les esprits
dont la violence recompose les libertés.
II
Je ne cesse de souffler depuis des lustres
des steppes à la mer
traversant les cols gelés des Alpes.
Qui suit mon mouvement
récolte de la pérenne liberté l’amour.
Qui tente de s’installer face à moi
voit déferler l’histoire.
III
Qui fanfaronne et prend hautaine mesure de la nature,
qui falsifie ma beauté
construisant des cages d’or pour y entendre mon chant
reste gueux…
là où le plus humble cultivateur
qui se courbe dans mon sillon est un Roi
qui recueillera mon pollen et le nectar de mes pluies.
IV
Impérial, j’impose mon sceau dans vos cœurs,
gonfle la toile et emporte vos paroles
y apposant les couleurs nouvelles
d’un printemps.
V
Je suis dynastie envahissante et insaisissable.
Mon Or, paillettes, jeté dans les sillons
de vos paysages parsème la carte de vos esprits.
Mes trésors je les distribue au ponant, au levant
à tous les indigents
et les nomme
pollens.
VI
Seul le reclus s’aveugle dans son palais de pacotille et s’illusionne.
S’il ne me connait, il ne connait non plus l’homme
que de mon souffle j’ai créé.
Alors desséché par la solitude
il tournera sa face grise à l’hideuse face de « Sa » terre.
Cinq échos de la grande parole
Cycle de poèmes écrits, calligraphiés et peints
sur des quadriptyques verticaux (65 x 25 cm) de Canson 300 g
dans les parages de Die du 22 au 26 mai 2015
par Mohamed Mbougar Sarr et Yves Bergeret
1
au chêne de Bergu, tout près de Die le vendredi 22 mai 2015
Turbulent le souffle vient et s’échappe
vers les hautes falaises.
Au sol une parole pulse.
Et dans le rythme de cette vibration
la montagne s’ouvre et accueille.
MMS
*
Le vent vocalise, le vent qui court
par les vallons, les bois, les crêtes
voyelles du vent qui attisent les hommes en feu
mais leur jettent les lettres e a u
puis leur ombre vive
qui s’appelle « parole »
YB
2
au col des Caux, au dessus de Chatillon en diois
le samedi 23 mai 2015
A l’ombre du colosse les hommes se taisent.
Dans le ciel l’espace du temple s’inscrit ;
sur terre varient les chemins qui y mènent.
Et les hommes vont dans la montagne comme ils marchent dans la vie.
Humiliés par l’immensité.
Grandis par son écoute.
MMS
*
ll a fallu le grand récit
puis son retrait dans la légère flûte d’os
où vienne se dire ma vie
YB
3
dans le lit de galets de la Sure
juste à l’amont de Sainte-Croix
le dimanche 24 mai 2015
A pas légers va l’étranger de toujours
semant parole
dans une faille inouïe
YB
*
Sans lettres il naît dans la parole originelle
que l’eau porte et que les galets fécondent.
Illettré il bâtit le poème.
La montagne répond.
MMS
4
dans le lit de galets de la Sure
juste à l’amont de Sainte-Croix
le dimanche 24 mai 2015
C’est une femme qui porte son histoire,
colosse au pied des géants.
Et dans le tumulte du monde,
elle accouche la parole
MMS
*
La vie est le grand vent
de mille pollens
où tu danses
YB
5
dans le lit de galets de la Sure
juste à l’amont de Sainte-Croix
aussi le dimanche 24 mai 2015
Soudain émergent du silence les voix.
Sitôt éclate la noblesse des mots.
Leur lumière troue la terre où passe, léger,
le semeur de beauté.
MMS
*
La montagne laissera aller
le chœur des nuages et du vent
pour saluer l’étranger.
Ils s’épauleront
en ronde
YB
*****
Un journal de pierre et d’eau
Cycle de poèmes écrits, calligraphiés et peints
sur des quadriptyques verticaux (100 x 35 cm)
de Rosaspina 280 g de Fabriano
dans les parages de Die du 17 au 20 mai 2015
par Zhang Bo, Han Liang et Yves Bergeret
1
Sur le lit de galets de la Sure, près de Sainte-Croix
le dimanche 17 mai 2015
Puis le torrent vint
et une grande naissance remue encore
dans les galets et les talons striés de la candeur
qui fend la montagne
en parole et parole
YB
诞生于远古的激流
仍在涌动伟大的新生
在卵石中,在率真者布满纹路的脚跟
将山峦
劈为语词
*
阳光唤醒沉睡的词语
芳草蒸腾起唐时旧梦
群山染绿风的颜色
任激流把时光带走
Le soleil éveille les paroles dormantes
Le romarin exhale un rêve de mille ans
Les montagnes verdissent le vent
laissent le torrent emmener le temps
ZB
*
2
Sur le lit de galets du Bez, juste à l’aval de Châtillon en Diois
le lundi 18 mai 2015
Et la parole prit la montagne par la main
pour que son sillage soit la joie
où je bégaye
YB
词语之手牵引群山
将它的尾流沿成欢乐
在此,我咿呀学语
*
流水触摸碎石,赋予它们形象
或被赋予,节奏、声响与底色
永不重复地相遇,分离,永不止息
成谜,藏在群山与天空静默的眼底
Le torrent caresse les galets, leur donne forme
ou il reçoit d’eux son, rythme, couleur.
Une rencontre, rien ne se répète.
Tous se séparent sans cesse.
Une énigme qui se cache
aux yeux de la montagne
et à ceux du ciel silencieux
*
群山无言
把远方交付流水
水声能否减轻人类沉默的痛苦
在长久惊惶的自我阐释之后?
La montagne ne parle pas,
donne le lointain au torrent.
Le chant du torrent apaise-t-il
la douleur muette des hommes
qui s’effraient à toute longue explication d’eux-mêmes ?
ZB
*
3
à Die, le mardi 19 mai 2015
古老的意象凝固在昨天
飞花紧握土地和光的梦想
重新穿行世界
Hier la métaphore antique s’est figée.
Le pollen saisit le rêve de la terre et du soleil,
traverse à nouveau le monde
ZB
*
被山间的风托起,这洁白的精灵
在雨燕的歌声中,轻盈地穿过
丛林溪水,告诉我宁静的欢乐
那是来自杨树的邀请
Une fée blanche,
soulevée par le vent de la montagne,
sous le cri des martinets, traverse doucement
les forêts et le torrent,
me raconte une joie sereine,
invitation du peuplier
HL
*
On remit la montagne sur pied.
J’entends voler le pollen,
murmure des dieux,
euphorie blanche
YB
扶起群山,治愈
我听见花粉轻扬
诸神的低语
纯白的至乐
*
***
Onze poèmes pour un Cahier peint, La Réunion, mai 2015, 3
Cycle de onze poèmes d’Yves Bergeret
pour un Cahier (A4) peint à Saint-Denis de La Réunion
puis écrit dans l’avion du retour, du 2 au 4 mai 2015
1
Par toutes les régions du ciel
pommelés ils stationnent
entre béatitude et mise en route
vers les taches harassantes et belles
de pleuvoir, laver, blanchir jusqu’à éblouir puis disparaître
par dessus les fleuves rouges, les collines lentes,
les bosquets bruns des savanes sans personne.
Leurs millions d’ombres au sol, qui les lit,
lettres noires à peine mouvantes sur la peau de la terre ?
Qui les lit depuis mon avion qui avance nonchalant dans le ciel ?
2
Sur l’Océan Indien ces autres là deux heures avant
pommelés et blancs glissaient
très lentement sur leurs propres ombres noires
que de vieux dieux grommeleux avaient cherché à ordonner
dans des récits un peu pompeux.
Mais comment ces dieux à poings serrés
auraient-ils pu écrire ?
3
De la crête que le vent bat
J’avais vu les trente hameaux
du fond du cirque volcanique.
Mille mètres plus bas. Aucune route.
Tout se vit à pied.
Minuscules rectangles brillants
ci et là dans le chaos du relief en tous sens.
Aucun bruit pourtant, que les saccades du vent.
4
Je devrais craindre les malédictions
du prêtre à moustaches qui mentit sur tous les tons
pour me soutirer en vain une offrande extravagante.
L’avion et moi rions bien,
qui louvoyons entre les cumulus qu’hérisserait
la vengeance ; mais ils la refusent, blancs serviteurs
splendides et grandiloquents de l’épopée
qui culbute et jubile en plein ciel.
5
J’ai peint sur la petite terrasse en proue
de la maison au fond d’un autre cirque volcanique,
au pied d’une paroi immense et ruisselante.
Chaque mot que je calligraphiais descendait
des autres parois sombres. Les couleurs
qu’à grands gestes je posais franchissaient des failles.
Au soir en séchant l’acrylique et l’encre du poème
tombèrent dans un soubresaut du volcan
qui ouvrit un cratère sous mes pieds et je dormis.
6
Le soir après la pluie
des écheveaux de brume
jaillirent des immenses falaises vertes,
menue monnaie
dont décidèrent de ne plus s’encombrer
les héros et les dieux disparus.
7
Comme la nuit tomba sur la ville
étagée sur la pente au dessus de l’océan,
les moteurs un à un se turent et les freins
et les tôles et les frottements.
Les petites ampoules s’allumèrent partout, en silence.
J’entendis sous les branches et les palmes
dans la pente merveilleuse au dessus de l’océan
se lever avec la lune le son des hommes,
des paroles, des rires, certains cris d’enfants
et toute l’île apportait sa respiration tremblante
dans le grand murmure des hommes.
8
Grand et curieusement désarticulé
il peut enjamber le détroit entre la confiance
et le rire.
Dans sa main gauche une feuille à défroisser,
dans sa droite le crayon qui tracerait sur elle
le plus beau poème du monde, qui tout le temps lui échappe
et le tracasse
merveilleusement.
9
Petit et noueux chaque jour en courant
il monte et descend une pente quelconque du volcan
cherchant, dans le léger choc du talon
touchant à chaque foulée le sol, la note idéale
qui fasse du volcan le plus beau sein du monde
et de son corps le chant de l’oiseau invisible.
10
Hommes peu jeunes dont la vie est champ de ruines
et dont la porte bât à tout vent,
ils reviennent vers le milieu de l’après-midi
au bar des jeux de chiffres et de chevaux,
au bar délabré, édenté, défraîchi, jauni
et reprennent la ritournelle impersonnelle
des blagues et des clichés
en belle langue et fleuries images
pour renvoyer au ciel la pluie faste
et au volcan le séisme somptueux
dont le mariage délivrerait chacun
de la peine de vivre.
11
Au dernier étage de l’immeuble devant l’océan
eux vivent parmi les livres,
fenêtres ouvertes sur les horizons du monde,
heureux peut-être, parmi les étagères fournies
et les buissons parfumés de la pensée.
Mais au centre l’enfant mystérieux
piétine inlassable un sentier de douleur
hors parole où le volcan aime se reconnaître,
étranger absolu au centre de la parole.
A plusieurs mains, La Réunion, avril & mai 2015, 2
A plusieurs mains
quinze quadriptyques verticaux 65 x 25 cm
calligraphiés, écrits et peints sur Canson de 224 gr
sur l’île de La Réunion, du 18 avril au 1er mai 2015
1
La peur (thème donné par Philippe Lusigny),
créé dans le temple familial de la famille Lusigny, au Port, le 18 avril 2015,
peinture & encre d’Yves Bergeret,
deux yeux peints par Philippe Lusigny
La peur t’ouvre à l’infini du ciel et de la mer,
à la beauté imprévue de l’homme
2
Le papillon (thème donné par Philippe Lusigny)
créé dans le temple hindouiste de la famille Lusigny, au Port, le 20 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret,
papillon jaune peint par Philippe Lusigny
Jaune à l’aune du soleil
Turquoise du ciel marin
Ile intense
Nous papillonnons
Vous contemplez
Illuminations
Ailes déployées
*
homme sans ride
il allume la voix du monde
en battant ses ailes
3
La rosée tombée (thème donné par Maxime Lenclume),
créé à l’Institut d’addictologie Robert Debré, Saint-Gilles les hauts, le 21 avril 2015,
poèmes en créole de Maxime Lenclume & en français de Xavier Lemaître,
peintures de Maxime Lenclume & Yves Bergeret,
encre d’Yves Bergeret
La rozé tombé
Li tombe pou nout tout
Li guéri a nous
Dessi terr’
*
Le jour suit la nuit.
Tendresse de la lune
ou vigueur du soleil :
qui offre la rosée tombée
au rouge gorge qui chante l’aurore ?
*
Que ta soif soit celle du monde
et la parole, l’eau de tous
*
4
Langages sans rivages (thème donné par Xavier Lemaître),
créé à Bras Sec, cirque de Cilaos, le 23 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Puits de feu en océan. Île traversée des vents.
Rencontres et reconnaissances :
sources vives de paroles, cascades de pleurs et de rires,
rivières narratives lancinantes, torrents d’énergie.
Mots aux sommets des monts.
Les langues se délient, les souffles s’échangent.
Ramages du Divers :
ici l’esprit naît en poésie.
*
Se mêlant
la gésine de la terre
et l’accueil de l’étranger
donnent les mots à peindre
*
5
Cirque en labeur ( thème choisi en commun)
créé à Bras Sec, cirque de Cilaos, le 23 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Un petit nuage étal sur Cilaos écoute le cirque en éveil.
Barouf d’oiseaux pour l’aube.
Silence théâtral.
Circulation d’hommes : chacun s’anime, s’active ;
chantiers multiples, cercles du vivre ensemble.
Echanges mélodieux dans le cirque de pierres,
d’une arène chamarrée et de l’agora
des hommes en labeur
*
le volcan ouvre son poing,
les marrons sèment dans ses rides
*
6
Le parfum universel (thème donné par Philippe Lusigny),
créé dans le temple hindouiste de la famille Lusigny au Port, le 24 avril 2015,
soleil, arbre & volcan peints par Philippe Lusigny,
peinture & encre d’Yves Bergeret
le vent hume la vie,
le volcan suit l’odeur des hommes,
la vie respire le parfum des dieux
*
7
exceptionnellement diptyque A3 180gr
créé dans le temple hindouiste de la famille Lusigny au Port, le 24 avril 2015,
lave rouge & soleil peints par Philippe Lusigny,
peinture & encre d’Yves Bergeret
A la mer l’île offre la lave
dans un chant divin
*
8
Le marché forain (thème donné par Xavier Lemaître),
créé à Saint-Paul, le 24 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Marsé forin ; Saint Paul en bazar
clameurs aux zorèy, envoûtés
par les couleurs, les senteurs et les saveurs.
Fézour jour ; voici légumes, fruits, fleurs :
mille et une richesses végétales insulaires.
Piéd boi ; réunionnais, malgaches, comoriens,
africains, indiens, chinois, français, européens…
tous citoyens du monde
tous racines du banian universel
*
vagues et vents
alternent déposent
récit ou chant
dans la paume des hommes
*
9
créé à Saint-Paul, le 25 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture d’Yves Bergeret
feu de terre au feu du ciel
eau de mer à eau du ciel
vents cardinaux
souffle de l’homme
*
10
Le jonc (thème donné par Maxime Lenclume)
créé dans le temple hindouiste de la famille Lusigny, au Port, le 25 avril 2015
poème en créole & jonc vert peint par Maxime Lenclume,
poème en français de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret,
oiseau peint par Philippe Lusigny
ô mon zonk
mi mmaou
mon vi mon bonerr
*
Sentinelle de l’eau dormante,
poumon de la faune et de la flore,
le jonc plie en abri.
Pied dans l’eau, tête au soleil,
le jonc caressé par la brise
sourit à la vie.
*
flûte du vent
chante le fond du monde
*
11
L’arbre sur la crête du Maïdo (thème donné par Xavier Lemaître)
créé à Saint-Paul le 26 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Arbre enraciné au rempart
puise ta force volcanique
Arbre battu par le vent de crête
bombe le tronc pour affronter les nuées
Arbre de crête
résiste aux assauts des mers et des terres
Arbre chevelu
porte haut la ramure pour défier le vide
Arbre de vie
protège les tecs-tecs timorés
*
arbre en plein vent de crête
redresse cap
aux hommes sans ombre
*
12
La route acrobatique de la ravine de Cilaos (thème donné par Xavier Lemaître),
créé à Cilaos le 27 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
La route ceint la montagne verte
serre le mur de roche
ouvre l’espace translucide
*
La mémoire devient rivière
qui creuse profond la chair du volcan,
ligne litanie à jamais des marrons
*
13
Les hommes du cirque (thème choisi en commun)
créé à Cilaos le 27 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Au milieu de l’île du volcan
à l’abri des remparts veinés de sentes secrètes
dans l’antre rocheuse de la mâchoire aux crêtes dentelées
sous la canopée luxuriante
au chœur du chaos de pierres
parmi l’enchevêtrement des racines
au centre de l’arène des chaînes brisées,
des pas alertes, des langues déliées aux paroles claires
retentit le chant haut des hommes
*
le volcan chérit
les talons nus de l’homme loyal
*
14
créé à Saint-Paul le 30 avril 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Ecoute
le feuillage interprète le chant savant du vent
Ecoute
La montagne donne la voix au torrent piaffant
*
Plongea dans l’eau vive
le rire
qui relance toujours
l’éclat du récit
*
15
créé à Saint-Paul le 1er mai 2015,
poème de Xavier Lemaître,
peinture & encre d’Yves Bergeret
Regarde
le volcan construit l’île de roche et de feu
Regarde
la montagne se plie aux ères du temps
Regarde
l’Océan assaille les plages et les lagons
*
Puis l’océan salé vint,
ouvrit son œil unique
et l’homme depuis parle
*
Onze pas dans le volcan, La Réunion, avril & mai 2015, 1
Onze aphorismes calligraphiés et peints à La Réunion
sur grands quadriptyques verticaux 100 x 35 cm en Rosaspina de 280 gr de Fabriano
par Yves Bergeret
à Saint-Paul, Bras Sec et Cilaos, île de La Réunion, du 21 avril au 1er mai 2015
1
Réfugié de l’île la plus pauvre,
flétri dans le bus,
il creuse à mains nues
dans la cale de son destin sans proue
2
L’espace a son bourdon
où ta parole en son ressac
à l’infini croise
l’étranger en son rebond
3
L’île émerge puis s’affaisse,
le volcan ouvre son poing,
les marrons sèment dans ses rides
4
Jeune marron perpétuel
court en haut et en bas du volcan,
court dans sa vie oblique,
dans le souffle des mots brefs
5
Le volcan poursuit l’odeur des hommes,
la vie respire le parfum des dieux
6
Arbre seul
sur la crête
choisit le sillage
des hommes invisibles
7
Le torrent a pour source la mémoire,
sente à jamais des marrons
8
Le volcan chérit les talons de l’homme loyal.
La parole est son seul escalier
en haut en bas
près du feu
9
Au monde fourbe ou marin
le volcan répond en crachant en haut.
Pas nous, trébuchant dans un mot d’aube
10
Dans la pluie rageuse
trois notes :
au feu
féconde
au fou
et le volcan bâille dans la mer
11
Puis l’océan salé vint,
ouvrit son œil unique
et l’homme depuis parle
1
2
3
4
5
6
7 & 8
9
10
11
***
Outils (10 & 8,5 cm) taillés à la main dans du basalte par des marrons,
trouvés dans le lit du torrent au sud ouest du Bonnet de Prêtre,
cirque de Cilaos, île de La Réunion
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