Archive | décembre 2015

Vivre étrangers à Aidone, en Sicile, décembre 2015

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Suite de quadriptyques verticaux de format 25 cm x 65 sur papier Canson de 180g,

sur le thème de « notre vie quotidienne d’étrangers à Aidone »,

créés à Aidone, au cœur de la Sicile, du samedi 12 au jeudi 17 décembre 2015 ; poèmes de Bandiougou Diawara, Ali Traoré, Séni Dialo, migrants arrivés en barque depuis la Lybie, Mohamed Mbougar Sarr, romancier sénégalais, & Yves Bergeret, poète  français ; gestes de couleurs de ce dernier.

L’ensemble est traduit en italien par Francesco Marotta et se lit alors à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2016/01/01/vivere-da-stranieri-a-aidone/

 

 

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1

Le samedi 12 décembre, sur le thème « ma pensée au réveil »

 

A l’aube, au moment où les personnes se précipitent pour aller au travail

moi je pense à recevoir mes papiers ;

dès que je reçois mes documents de réfugié,

je rêve tous les jours d’aller voir ma famille

SD

*

 

Le sang m’afflue jusqu’à la tête,

jusqu’à la mer, jusqu’aux pieds

puis je mets le volcan de toute violence

à l’envers dans la lumière du matin

et je me lève.

YB

*

 

Mon réveil du matin à Aidone ?

A cinq heures du matin mon réveil sonne

et je me lève pour prier.

Ma pensée est de réaliser mes rêves.

Je vais aller à l’école

car sans savoir la langue

je ne peux pas réaliser mes rêves.

AT

*

 

Voici ma pensée dans le rêve du matin à Aidone.
Je me suis réveillé à cinq heures du matin

d’aller au boulot.

Car les travaux c’est une bonne santé pour l’homme.

BD

*

 

La rumeur de la ville me tire du sommeil

Et ce premier réveil promet la rencontre

Du fond d’un rêve, du fond du froid,

J’ai entendu les voix chaudes des grands Hommes.

Je les écoute.

MMS

*

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2

Le dimanche 13 décembre 2015 sur le thème « mon matin à Aidone »

 

Le matin très tôt je me suis levé pour me laver.

A huit heures je prends mon petit déjeuner et je m’en vais.

Chez nous ici à sept heures comme çà chacun se

lève pour faire son devoir : il y a du bruit partout.

BD

*

 

Dans l’éclat du jour se

dressent les grands Hommes.

Ils prennent le monde à mains nues,

montent les pentes de la ville

dont remuent déjà les tripes.

Je les suis.

MMS

*

 

Le soleil se lève à Aidone.

J’ai dit « à ce soir » à mon oreiller.

Je vais aller en ville là où

les personnes se mouvent

et chacun a sa direction.

Je pense à aider mes amis qui ont besoin

et la journée est commencée avec volonté

et du courage.

AT

*

 

Je sors, la rue me prend par la main,

je prends la rue par son nom.

La place m’ouvre les bras,

j’écoute son cœur qui bat.

Un enfant court à l’école,

j’entends son cœur qui bat.

Le matin fleurit dans les cœurs durs,

tu entends celle qui pleure au loin.

YB

*

 

Le matin avant le lever du soleil

j’entends le remue-ménage des hommes

qui se dirigent vers le café.

La journée commence, le bruit des voitures

et des voix entoure la ville.

SD

*

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3

Le mardi 15 décembre 2015 sur le thème « ma vie l’après-midi à Aidone »

 

Un chien aboie puis le silence retombe.

La ville s’étire puis la montagne s’enveloppe

dans un manteau bleu, blanc, de soleil.

 

Mais déjà les Hommes s’agitent dans leurs rêves.

Ils sont assoiffés d’actes.

Ils se lèvent. Je me lève.

MMS

*

 

Chaque jour après midi la cloche sonne.

Chacun se dirige vers son coin, d’autres se reposent

d’autres prient et d’autres pensent,

la rue devient un marché par les motivations des hommes

et moi je m’en vais au bar, je les attends.

SD

*

 

Et le soleil commence sa descente

remettant un à un dans sa grande besace

les vents cendreux et les vents salés,

les derniers parfums d’agrumes de l’hiver

et certains souvenirs peu tendres de la mer

qu’une femme avait mis à sécher à la fenêtre ce matin.

YB

*

 

Aujourd’hui après midi nous nous sommes rencontrés

dans un grand jardin au milieu du village ;

à côté du jardin il y a une piscine là-bas qui change

en deux couleurs, bleu et noir. On s’est lavé, on a

nagé, on a dansé aussi, mes amis et moi, on a

beaucoup discuté au repas du soir.

BD

*

 

A la mi journée je sors dans Aidone.

Les rues deviennent calmes.

Chacun part à la maison pour déjeuner

et après je pars avec mes amis en promenade

là où nous saluons l’Etna.

Et nous voyons la beauté sicilienne.

Quand le soleil se couche chacun retourne à sa maison

et la nuit commence à son tour.

AT

*

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Le mercredi 16 décembre 2015, à Aidone, sur le thème du « bar »

 

Dès que le bar ouvrit le matin

les hommes envahirent l’intérieur

en construisant une file indienne

car chacun voulait être le premier à prendre son café

avant de rejoindre son lieu de travail.

D’autres causent, d’autres rient,

d’autres sont tristes par les trahisons de leurs fiancées

et moi aujourd’hui je donne

un rendez-vous à mon amie chérie

pour discuter à notre sujet d’amour.

Je sors en riant.

SD

*

 

J’entre. Le monde se recrée.

On se hèle, on rit ; ça s’intimide,

ça boit.

Seul, moustachu, un Sphinx

à l’entrée fait silence.

Belle, une femme refuse des avances

avec un sourire professionnel.

Je m’assieds et, offensant

les Puristes, bois senza vergogna

mon café-longo !

MMS

*

 

J’ai revu un lieu là où les gens se rencontrent le matin et le soir.

Mes amis et moi nous allons là-bas.

C’est un lieu de rencontre et de connaissance,

là où il y a des mélanges de voix et de cris et de couleurs.

Il y a ceux qui partent au travail

et ceux qui retournent à la maison.

C’est le bar de Aidone.

AT

*

 

« Cher ami, vous voulez venir avec nous

au bar d’Angela ? – Oui, oui. Ça nous fera plaisir.

-Bonjour Angela, trois cafés et deux croissants.

– Voici. – Merci. »

On était installé dans un côté au bar,

on a discuté deux heures de temps.

Je suis très content de leur invitation.

BD

*

 

Hommes puis femmes puis hommes puis hommes

viennent s’accouder au comptoir

avec à la bouche les traces du mors

qui les asservit cinquante heures par jour.

Ils jettent à des oreilles quelconques et divines

des conjurations pour dissoudre le mors

dans des océans d’acide à la bière et au café

puis ressortent en derechef caracolant.

YB

*

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***

Cinq doigts, à Aidone, en Sicile, décembre 2015

Quatre diptyques horizontaux A3 sur papier Aquacal tchèque de 250 g,

à Aidone, au centre de la Sicile, du 14 au 17 décembre 2015 :

poèmes de Mohamed Mbougar Sarr & Yves Bergeret,

couleurs et collages de ce dernier.

L’ensemble se lit traduit en italien par Francesco Marotta à cette adresse :

https://rebstein.wordpress.com/2015/12/31/cinq-doigts-cinque-dita/

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*

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1

La vie n’est pas un carrelage, dit-elle,

ni la carapace d’une tortue morte sur une plage.

Mais voilà, même cette tortue, elle l’ébrouerait.

Et la tortue s’en irait vers moins de nuit.

La vie n’est pas un carrelage froid, insiste-t-elle.

La vie, remarque-t-elle, a beaucoup de fenêtres

et quatre portes : les ouvrir.

L’art des courants est sa joie, l’élève.

Avec elle le courant de l’air est chaud, la maison bouge

très lentement, fermant ses yeux, remerciant.

YB

*

Au cœur du tourbillon des Hommes,

Le cœur ouvert d’une Femme.

Elle trouve dans la montagne

l’oreille du monde,

écoute sans violence la violence des grands Hommes

Elle transmet ce qu’elle a reçu.

Et la beauté l’élit.

MMS

*

2

Quelques personnes ne savent que dilacérer

et tomber à la renverse avec cris.

D’autres, après de très grandes épreuves,

confluent puis, toujours debout, repartent :

la jeune parole les lie, coulant claire

sur une roche robuste,

claire et diverse parole, une main à cinq doigts.

Sa paume est claire.

Les cours d’eau ne se démembrent jamais.

Ils confluent.

YB

*

Le sang de la fraternité de case

anime les veines d’une main.

Elle s’avance, vigoureuse.

Se ferme :

Le poing frappe le sol d’où jaillit la source de mon humanité.

S’ouvre :

et je lis dans ses lignes profondes

une épopée à cinq voix.

MMS

*

3

Que l’œuvre de parole soit l’île cristalline

où accostent un bon moment

chacun des cinq navigateurs au long cours,

au début de son cours, au noir de son cours,

au clair de son cours, à la fin de son cours,

un bon moment, les coques tirées sur la plage,

certaines phrases tirées sur un sable cristallin.

YB

*

Dans le silence chacun cherche sa parole.

Puis dans l’échange chacun la livre.

A la fin les cinq voix s’asseyent en cercle.

Au centre, brûle le feu qu’alimentent en chœur

leurs souffles.

L’œuvre naît.

MMS

*

4

De plusieurs enjambées s’est éloigné le volcan,

les nomades ont cessé de craindre la pleine lune.

Pour les dernières encablures l’eau est calme et limpide,

la violence et la bêtise se noient dans un dernier remous.

Il est maintenant temps de couper le moteur, de débarquer

et de rejoindre le chantier des hommes

sur la colline polyglotte où l’herbe est salée.

YB

*

Nous faillîmes nous perdre dans la forêt obscure

Celle des portes fermées.

Celle des soirées sans chaleur et sans mots.

L’obscure forêt où la noblesse faillit.

Mais les portes s’ouvrirent après deux coups de heurtoir

Mais les grands Hommes rirent aux éclats.

Et un grand soleil incendia la forêt noire

MMS

*

***

Colombage, à Rennes

Lecture d’espace de Maya Mémin et Yves Bergeret

inspirée par les colombages des maisons médiévales

du centre historique de Rennes, en Bretagne,

et créée en deux exemplaires les 2 & 3 décembre 2015

sur six papiers Aquarelle de Daler Rowney en format A3, de 190 g,

sur les presses de l’atelier de Maya Mémin à Rennes.

Cette lecture d’espace se lit en italien dans une traduction de Francesco Marotta à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2015/12/07/colombage/#more-74983

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Colombage en ville 01

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Ce grand dieu arracha dans la pente

un bosquet de chênes

et le serra dans sa main.

 

Il ôta les branches,

serrant les troncs en faisceau

dans lequel il souffla

 

puis mourut dans son propre souffle,

les troncs sachant à jamais

jouer plusieurs pièces de théâtre.

 

Un siècle, plantés très profond dans le sable

ils supportent la jetée dans la mer ;

tu vas y rencontrer à minuit ton grand amour

dans la rumeur des vagues qui caressent les troncs.

 

Un autre siècle, ils grincent fringants sur la mer

mâts, cale et coque fendant les flots ;

le chant des matelots et le grincement du bois

sont ce que le grand dieu mythique laissa de lui en soufflant

et il n’y a rien d’autre.

 

Un autre siècle, ils s’assemblent par étages

pour dresser la scène et les balcons

où Shakespeare et nous rageons de lutter contre tout meurtre.

 

Un autre siècle, ils se dressent et se croisent

plancher, colombage et charpente,

retentissant des répliques comme au ping-pong

arrière-petites-filles du souffle du grand dieu,

répliques, répliques, querelles et rires,

certaines phrases dans l’ombre du souffle,

certains mots ricochant sur le bois là-haut dans les chambres.

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Colombage 1

Colombage 2

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