Regard / espace, de Simone Di Franco, avec 6 photos (et textes) de 2022

En écho à l’essai Qui regarde ? paru sur ce blog le 30 décembre 2022 : Qui regarde ? | Carnet de la langue-espace (wordpress.com)

.

Maria

.

.

Je ne sais pourquoi, mais il m’arrive constamment d’attirer l’intérêt et la sympathie des marginaux. Voici Maria, une petite dame brûlée par le soleil, connue à Caltagirone, en Sicile. Elle épluchait une énorme orange qui embaumait l’air alentour ; deux petits chiens lui faisaient escorte, prêts à mordre les passants à peine se seraient-il approchés de leur protégée. Mais moi, après une brève inspection et un grognement, ils m’ont tourné le dos : je ne leur paraissais pas dangereux, c’était évident. J’ai demandé à Maria si je pouvais lui offrir un café. D’une voix toute frêle qui semblait vibrer d’un étonnement perpétuel elle m’a répondu qu’elle buvait seulement de l’eau. Un visage aride comme d’argile desséchée au soleil, un visage qui semblait se dissoudre en poussière. Maria ne boit que de l’eau.

.

Non lo so perché, ma mi capita sempre di attirare l’interesse e la simpatia degli emarginati. Questa è Maria, una donnina bruciata dal sole, conosciuta a Caltagirone. Sbucciava un’enorme arancia che profumava l’aria intorno; due cagnetti le facevano da scorta, pronti a mordere i passanti non appena si fossero avvicinati alla loro protetta. A me, però, dopo una breve ispezione e una ringhiatina, hanno dato le spalle: non gli apparivo pericoloso evidentemente. Ho chiesto a Maria se potessi offrirle un caffè. Lei mi ha risposto con una vocina sottile sottile, che sembrava vibrare di uno stupore perpetuo, mi ha risposto che lei beve solo acqua. Un volto arido come di argilla asciugata al sole, un volto che sembrava sciogliersi in polvere. Maria beve solo acqua.

.

.

Gaetano

.

.

Voici Gaetano. Je l’ai connu à Vizzini, le village de Giovanni Verga, en Sicile. Il m’a accueilli au siège de la Société Ouvrière de Secours Mutuel du village. Toutes les fois qu’il m’est arrivé de passer à Vizzini, je me suis promené dans le centre et, curieux, me suis arrêté devant la porte de cette Association. Cette fois-là à l’entrée est apparu Gaetano. C’était le jour de ses soixante ans. Avec fierté il m’a parlé de son état parfait de santé, de sa grande énergie. Puis il m’a fait asseoir à une table – j’étais devenu l’attraction des hommes présents, peut-être parce que je portais au cou un appareil-photo – et m’a offert trois figues de Barbarie toute fraîches et des amuse-gueules salés. Pour consolider mes rudiments de l’initiation qu’il m’avait donnée, il m’a offert un livre sur Vizzini et sur sa SOSM. La lumière était très faible, juste une vague lampe sur un mur avec le cœur immaculé de Jésus. Et Gaetano devant, au comptoir, corps desséché d’un vieux paysan.

.

Questo è Gaetano. L’ho conosciuto a Vizzini, il paese di Giovanni Verga. Mi ha accolto nella sede della Società Operaia di Mutuo Soccorso del paese. Tutte le volte che mi sono trovato a passare per Vizzini, ho fatto una passeggiata per il centro e mi sono fermato curioso davanti alla porta di questa associazione. Questa volta all’ingresso è apparso Gaetano. Era il giorno del suo settantesimo compleanno. Mi ha parlato con fierezza del suo perfetto stato di salute, di quanto fosse energico. Poi mi ha fatto sedere a un tavolino – ero diventato l’attrazione dei presenti, forse perché portavo una fotocamera al collo – è mi ha offerto tre fichi d’india freschissimi e salatini.  Per consolidare i miei apprendimenti su quanto mi aveva riferito, mi ha regalato un libro su Vizzini e sulla sua SOMS. C’era pochissima luce, solo qualche lampada a una parete con il cuore immacolato di Gesù. E Gaetano davanti, al bancone, corpo asciutto di un vecchio contadino.

.

.

Un prêtre

.

La plupart du temps je n’attends rien et il n’arrive rien. Je m’installe dans un coin et j’espère une épiphanie, un petit miracle qui puisse rester saisi dans mon objectif. J’aperçois des géométries idéales, des positions de personnages que j’invente pour compléter mon cadrage : ça serait beau si…, là il faudrait un gamin, un chien, un prêtre, quelque chose qui donne sens à l’espace que j’ai sous les yeux. Parfois les ingrédients de mon imagination se matérialisent, mais se disposent de manière confuse, malicieuse : le chaos me tire la langue non sans dédain, et même en faisant apparaître de guingois un figurant qui brise en miettes toute symétrie. Probablement il n’arrive rien parce que trop souvent je ne m’attends à rien. Je ne peux créer le monde, ni ne réussis-je à le recevoir. Et voilà pourquoi en général je décide d’être content comme cela.

.

Il più delle volte non mi aspetto niente e non succede niente. Mi apposto in un angolo e spero in una epifania, un piccolo miracolo che possa rimanere impigliato al mio obiettivo. Scorgo geometrie ideali, posiziono personaggi d’invenzione per completare il mio quadro: sarebbe bello se…, qui ci vorrebbe un bambino, un cane, un prete, qualcosa che dia senso allo spazio che ho davanti agli occhi. Talvolta gli ingredienti della mia fantasia si materializzano, ma si dispongono in modo confuso, dispettoso: il caos mi mostra la lingua con dispetto, magari facendo apparire a sproposito un figurante che manda in frantumi ogni simmetria. Probabilmente non succede niente, perché troppo spesso non mi attendo niente. Non posso creare il mondo, né riesco a riceverlo. Per cui ogni tanto decido di accontentarmi.

.

.

Voici, par exemple, cette image : j’ai suivi cette soutane avec insistance, je dois dire principalement parce qu’intrigué par les discussions -je suis un espion- que le prêtre tenait au téléphone, histoire de donations d’argent pour l’église et appels hors toute pudeur pour parler de choses vénielles du moment que déclinées à bonne fin ; comme un météore il sillonnait en diagonale le parvis, interceptait quelque fidèle, reprenait la conversation au téléphone. Je l’ai observé de dos, depuis l’intérieur de son église, de côté, de face. Rien. Finalement je me suis assis sur un banc avec Barbara, laissant comprendre que j’étais un type un peu dévot, pas un voyeur indiscret. J’ai attendu en vain. Le jour tombait. Alors j’ai décidé de faire click et de conserver la trace d’une attente imparfaite, avec une image imparfaite.

.

Ecco, ad esempio, questa immagine: ho inseguito quest’abito talare in modo insistente, devo dire più perché incuriosito dalle discussioni – sono uno spione – che il prete teneva al cellulare, storie di soldi, donazioni per la chiesa e appelli a non provar pudore a parlare di cose veniali se declinate a buon fine; come una meteora viaggiava in senso diagonale per il sagrato, intercettava qualche fedele, riprendeva la conversazione al telefono. L’ho osservato di spalle, dall’interno della sua chiesa, di fianco e di fronte. Niente. Alla fine mi sono seduto a una panchina con Barbara, lasciando intendere che fossi un tizio un po’ devoto, non un impiccione voyeur. Ho aspettato inutilmente. La luce calava. Ho deciso allora di far click e di conservare il ricordo di un’attesa imperfetta, con un’immagine imperfetta

.

Au lac Arvo

.

.

A Lorica, au bord du lac Arvo, en Calabre. C’est un lieu de souvenirs heureux de mon enfance. Je remarque seulement à présent que dans toutes les images du lac qu’au fil du temps j’ai réunies ou observées, souvenirs, photos prises par mon père ou moi, le lac apparaît calme, sous une lumière douce, comme de miel. Cette image-ci d’août dernier, par contre, fait partie d’une série de visions subjectives liées à cette clôture et à ce fil de fer barbelé, repris ci et là jusqu’à l’endroit où il s’immerge dans l’eau. Le ciel est chargé de nuages lourds, la pluie menace – et en fait j’ai dû tout démonter en toute hâte, même furie, pour éviter de tremper mon matériel. Rien qu’un trou de lumière à mi-ciel sans contrejour.

.

Lorica, sul lago Arvo, in Calabria. È un luogo della mia felice memoria infantile. Noto solo adesso che in tutte le immagini che nel tempo ho raccolto o osservato del lago, memorie, foto di mio padre o mie, il lago appare in quiete, sotto una luce dolce, melata. Quest’immagine d’agosto, invece, è parte di una schiera di fantasie legate a questo steccato e a questo filo spinato, a volte ripreso sin dove s’immerge nell’acqua. Il cielo è carico di nubi che minacciano pioggia – e infatti ho dovuto smontare tutto in fretta e furia per evitare di bagnare la mia attrezzatura. Solo un buco di luce a mezz’aria senza controluce.

*

Simone Di Franco

*****

***

*

(traduction d’Yves Bergeret)

*****

***

*

Une réponse à “Regard / espace, de Simone Di Franco, avec 6 photos (et textes) de 2022”

  1. Albert dit :

    Vraiment très beau, félicitations.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :