Montagne, sel
Ce poème accompagné d’acrylique et d’encre de Chine, a été créé par Yves Bergeret à Veynes les 27 et 28 février 2019 sur deux quadriptyques de Hahnemühle 250 g de format 17,5 cm de haut par 100 cm, en deux exemplaires.
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On le lit en italien dans une splendide traduction du poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2019/03/03/montagna-sale/
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Il redescend aujourd’hui du sommet de la montagne
par la combe obscure et la montagne le suit.
C’est peut-être cela, cette impression
de chant double, la montagne et lui,
ou son père et lui, ou lui et son fils.
Il y a cinq ans il avait traversé à pied sec
la Méditerranée en y ouvrant une tranchée profonde
et il était venu jusqu’à notre montagne
d’arbres hivernaux, d’arbres taiseux.
Des rochers s’en étaient allés à sa rencontre
en roulant par la combe obscure jusqu’à la mer.
Ainsi va la vie dure et peu sûre, jamais stable,
de l’homme dédoublé aux talons friables
trouant la montagne et la mer,
repartant traîner la montagne dans le sel de la mer
pour que crépite le fier récit de tous.
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Rends la montagne plate et lisse
comme le creux de ta main que tu ouvres.
Rends la montagne concordante
comme le visage.
Tire sur elle depuis la vallée l’ombre
quand au soir le soleil tombe.
Nageur, marcheur parti sans bras,
la mer salée est peut-être aussi féconde
que la montagne.
Remercie les épaules amies
qui suantes ont porté les masques,
les tirades de théâtre, les épisodes chantés,
les sacs de sel et de riz.
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3 réponses à “Montagne, sel”
Rètroliens / Pings
- 03/03/2019 -
Ton chant, émouvant et passionnant, cher Yves, adjoute de jour en jour un morceau à la carène qui nous conduit tous – malgré la haine et les fascismes: contre la haine et les fascismes.
J’aime beaucoup l’idée que, comme les migrants dont tu chantes ici aussi, les poètes sont eux aussi des migrants – leurs mers et leurs terres sont l’histoire, la culture, la/les langue(s).
Merci, cher Antonio.
Mercredi en arrivant dans le petit bourg de Veynes, je me suis assis un instant à une terrasse de café ; deux hommes étaient là aussi, un assez jeune et un de mon âge, et je les ai salués en m’asseyant. Plus tard je les ai entendus parler une langue étrangère d’une grande beauté. Je lisais Elytis à ce moment là. Mais je leur ai adressé brièvement la parole pour leur demander quelle était cette si belle langue qu’ils parlaient. L’arabe littéraire avec l’accent de Jordanie. C’était le père et le fils, pauvres sans aucun doute et avec une extraordinaire noblesse. Le fils était arrivé le premier dans la région après un long et difficile parcours, on l’imagine aisément; et il avait convaincu son père de le rejoindre. Une sorte d’élégance naturelle dans un très grand dépouillement ; j’ai pensé aux habitants de Koyo.
Ce double voyage, cette si belle langue à travers mer et montagnes, cette simplicité discrète et directe, c’était déjà le début du poème « Montagne, sel ».
YB