Chant sur la rive du Glacier Fou
En écoutant l’admirable et lumineux miroitement multiple du chef-d’œuvre de Pierre Boulez, Répons (1981-1984), tel le scintillement sans fin de toutes les eaux du Glacier Noir
et en écoutant le chant lyrique Gagok, du douzième siècle, de Corée, aussi sobre et essentiel que la source de la vie, interprété en 1986 par Kim Wol-ha,
j’ai créé ce poème en onze strophes à Embrun et à Fontenil, juste à l’amont de Briançon, les 9 et 10 mai 2024 ; puis je l’ai calligraphié sur un Leporello chinois à 24 volets, au format déplié de 42 cm de haut par 720 cm, à l’encre de Chine et à son lavis, aux pastels et à l’acrylique, avec collages au colophon, à Briançon du 10 au 13 mai 2024.
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1
Ma gorge entend
la torture à l’autre bout du continent.
Ma gorge entend le cri de joie
qui fait sauter le cadenas.
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2
Merci, cercle de l’air au dessus du tambour,
air ma rosace,
tambour, ma troisième rotule, ma quatrième,
ma quinzième rotule,
peau du tambour, ma petite rotule pleine de sang.
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3
Pierre noire n’existe pas.
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Pierre noire je te crée.
Pierre noire, gomme-moi.
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4
M’avoir gommé
dilapide mes cheveux et mes pores
en gravier d’étoiles.
Je n’ai plus d’âge.
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5
Retenir l’avalanche par ses cheveux
certains soirs mon chant le peut.
Ecouter le rire renaître
dans le sillage de l’avalanche
mon chant le peut.
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6
Sereines alouettes
dressez encore plus haut
rosaces et rotules
même si vous époumonez mon chant.
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7
Ma gorge est l’algue,
jeunes mélèzes courez chercher l’algue
dans le col venteux.
Première consonne, création du monde,
jaune mélèze, algue grise,
gris mélèze, algue jaune.
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8
J’ai ce rétractile chant de ma gorge
pour dormir et me vêtir.
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J’aime ce drap qui tire la marée
vers le haut et vers le bas.
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9
Rocher noir n’existe pas.
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Rocher sans peau je te crée.
Rocher noir, rions à nous gommer l’un l’autre.
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10
Nais encore, ma gorge,
gravier pierre et rocher
non plus rosace sans âge
mais roue à aubes.
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11
La moraine va glisser
ma gorge se replie.
La moraine se replie
ma gorge au moyeu du chant
glisse.
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Deux Coréennes
En écoutant un Pansori traditionnel coréen intitulé « Dit de demoiselle Sugyeong », dans une interprétation enregistrée en 2018
j’ai écrit et calligraphié les cinq strophes de ce poème à Briançon le 8 mai 2024, sur diptyques de Aquapad, Clairefontaine, 300 grammes, au format vertical de A3, que j’ai plié en deux, avec acrylique, lavis d’encre de Chine, encre de Chine, pastel gras gris et collages divers.
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Mains écartées,
paumes très plates,
les deux Coréennes parlent vite
très belles deux îles rocheuses petites
sans aucune brume
sans aucun gouffre
entre leurs syllabes
entre leurs doigts très fins
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articulant si loin
depuis le fond de la gorge
que l’une après l’autre
avale le ciel minéral et noir
qui rebondit sur leurs cordes vocales
puis le ciel se fait météores météorites
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Météorites petites épingles
plantées dans la peau de l’infini
bleu de jour, noir de nuit
juste leurs sons de gorge
que les deux Coréennes
dilapident depuis le sillage cru de leurs corps,
depuis l’ombre crue de leurs corps.
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Deux femmes à voix si graves
deux météorites dans les météores
du fond derrière la paroi du ciel
bâtissant peut-être l’épopée
à qui personne ne pense,
jetant leurs gutturales syllabes
qui leur sont pelletées puis coups de burin
et coups de pioche dans la chair
de l’être invisible entre leurs
quatre paumes claires.
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Il reste quatre piliers
raides torsadés verticaux
diaphanes noirs
par-dessus les quatre angles
de la table qu’elles ont
soudain quittée,
quatre talons
dont leur cœur étrange
talonne la vie et les sables
du Glacier Noir.
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Yves Bergeret
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Carène ou couard
Poème en deux strophes créé à l’acrylique, à l’encre de Chine et son lavis, sur triptyque Aquapad 300 g de Clairefontaine, au format A3, au bord de l’exubérante Durance à Fontenil, juste en amont de Briançon le 9 mai 2024.
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1
Torrent et montagne
rincez dru traîtres et couards
puis apprenez-leur à lire.
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2
Clair cap pour la carène
qu’avec toi je construis.
« Clair horizon » est le nom
qu’à minuit torrent et montagne
scellent à nos poignets.
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Yves Bergeret
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4 décisions + 1 dessin de petit enfant
Tout cela avec crayons de couleur Kooh-i-nor et pointe d’encre de Chine sur deux petits carnets à peine de format A5, en des lieux gourmands, les 26 & 27 avril 2024.
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1
Le petit enfant décide.
En disposant ses décisions
comme des couvertures sur le lit
du fleuve qui passe ; c’est le matin
c’est le soir, mais très peu d’eau coule,
le lit est sec, le lit est raboteux.
Finalement une décision est un pansement.
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2
Il prend le poisson de terre
dans le sol de terre,
souffle sur les écailles de son dos
puis le lâche, à bout de bras,
en plein ciel.
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Courir au terrain de jeux
c’est faire tourner la terre
dans l’autre sens
et aller faire se coucher
le soleil à l’est.
D’ailleurs le soleil le demande
lui-même.
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4
« Déguster une crêpe chaude
parfumée de chocolat
dont je me badigeonne menton et nez…
ainsi j’accompagne le soleil
dans sa rieuse descente vers l’est. »
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5
« La prochaine fois, dit-il,
j’irai prendre la main du soleil
avant qu’il touche sol
et de ma poignée je serrerai
si fort sa poignée…
puis je lui permettrai de partir se coucher ».
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Yves Bergeret
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Sirocco
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Tant à l’écoute du grondement de la Durance, ici jeune torrent, que du Temps chanté, Musique pour violon et orchestre (1992) de Wolfgang Rihm,
voici ce poème créé et calligraphié sur un Leporello chinois à 24 volets, au format déplié de 42 cm de haut par 720 cm, à l’encre de Chine, au crayon noir, aux pastels et à l’acrylique, avec divers collages, à Briançon du 6 au 9 avril 2024,
tandis qu’à nouveau soufflait un coriace sirocco apportant depuis un profond lointain de l’autre côté de la Méditerranée poussière, infimes graviers roux, poudres d’inépuisables espoirs.
Et voici ce poème dans la langue italienne, grâce à la traduction profonde et tragique du poète Francesco Marotta : https://rebstein.wordpress.com/2024/05/11/scirocco/
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Merci sirocco qui égratignes
le fond de gorge
par où des restes de silhouettes
ne parlent presque plus depuis des lustres.
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Merci sirocco qui fais sourdre
encore un peu de sang aux gencives vieilles
de la crête granitique et du masque plâtreux.
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Merci sirocco qui agrippes ta montagne,
la rapproches de ses soeurs ici,
la cognes à mes épaules,
me fais la protéger à sa manière.
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Merci sirocco qui me protèges aussi
et me distribues farine
qu’à sueur et sang me moulent
ceux du désert.
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Merci sirocco qui ne connais pas les fantômes.
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Merci sirocco qui élargis le vacarme
du torrent, qui le feutres et le veloutes, encore plus fort,
encore plus humain, frère des êtres invisibles.
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Merci remous opaque du torrent
qui fais rouler dans son lit contre un rocher
un galet sonore qu’apporta le précédent sirocco,
œuf qui n’éclot jamais
sinon dans le grand bourdonnement
que les sables des vents se transmettent
et me remettent,
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à charge pour moi que j’entende
le foetus et ce qu’il clame affamé
les poings toujours serrés,
ce qu’il clame, pousse, saigne par les gencives.
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Vois comme là-haut près du ciel
la montagne se fissure, saignote
et comme le sirocco s’attarde
à la panser.
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Yves Bergeret
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Roue de la vie
Poème écrit et calligraphié dans l’écoute intérieure du Concerto pour violon (1935) d’Alban Berg, le 6 avril 2024 à Fontenil au bord de la Durance, juste à l’aval de Briançon, sur dix triptyques de Clairefontaine, 300 g, au format déplié A3, acrylique, crayons Kooh-i-nor et encre de Chine.
Le poète Francesco Marotta, dans une langue italienne tout de mouvement et de rotation, offre ici sa traduction : https://rebstein.wordpress.com/2024/04/08/la-ruota-della-vita/
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Au bord du torrent du village
un petit terrain de pétanque toujours vide
une table vermoulue sous les frênes
où j’aime lire ou écrire
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Mais aujourd’hui
trois hommes en maillots plus ou moins noirs
jouent aux boules, dix cannettes de bière vides
dans un coin, un chien affalé dans l’herbe.
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Le torrent roule et gronde à tue-tête.
Âges insituables, entre trente et soixante,
tant misère et alcool ont creusé et amolli
leurs visages et voix que le torrent aussi
écrase.
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Passant près d’eux pour gagner la table
je vois sur une nuque un tatouage :
deux poignées d’épée, un arc pur de cercle,
des caractères chinois.
Dessin magnifique.
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Je le leur dis.
L’homme au tatouage ôte son maillot
montre son dos.
Des omoplates au crâne
un sobre mandala à cinq sections.
« C’est moi qui l’ai dessiné.
J’ai donné le dessin au tatoueur.
C’est la roue de ma vie,
ma carapace et mon ciel,
la section du feu, celle de l’air,
celle de la terre, celle de l’eau,
celle du vide.
Car je suis vide.
Le vide est mon pivot
et la lumière de l’aube décide chaque matin
qui je serai,
flamme en lames crépitantes,
sirocco aux mille doigts crissants,
humus de l’inatteignable forêt,
remous salé contre l’écueil.
Depuis que j’ai créé ce dessin
et que je le porte sur mon dos
j’existe
et ai rompu avec les drogues dures.
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Personne n’avait jamais
vu ni lu mon tatouage.
Je suis heureux ».
Et il remet son maillot.
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Les trois joueurs de pétanque
reprennent leur partie.
Le torrent est devenu muet.
Le chien court en tous sens.
A la petite table mon crayon
court sur le papier.
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Un autre des trois hommes
s’approche de la table,
ouvre un petit paquet de biscuits,
m’en donne un : « Monsieur,
notre ami n’avait jamais parlé comme cela ».
Le biscuit est rond, du chocolat au lait
l’enrobe.
Les boules de pétanque roulent
sur le sable gris.
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Yves Bergeret
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Trois saluts d’avril au Glacier Noir
Avec Boris Brémond, jeune guide de haute montagne et jeune père, je salue ce matin du 5 avril 2024 à Briançon, le Glacier Noir et ses sept géants( Manger le Glacier Noir (2, analyse) | Carnet de la langue-espace (wordpress.com) ) encore sous d’immenses masses de neige ; je les salue au moyen de ces trois aphorismes que je calligraphie à l’encre de Chine, à l’acrylique, aux crayons de couleur Kooh-i-nor et au très fin stylo, sur trois triptyques de Clairefontaine 300 g, chacun au format déplié de 29,7 cm de haut par 42.
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Yves Bergeret
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Glacier Noir
manger ciel et roc
pour qu’ils nous mangent.
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Puiseux
Tracer le ciel
lui emprunter une plume
de son aile gauche
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Qui grimpe
d’abord écoute
puis prend prise et délivre.
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Sentier côtier
Poème-portrait d’un être libre, en forme d’une suite en deux parties, créé le vendredi 28 mars 2024 sous une voûte surplombant une ruelle de Châtillon-en-Diois, acrylique et encre de Chine, crayon noir et stylos à encre de Chine de différentes tailles de pointe, puis le samedi 29 mars dans un bar à Crest, pastels gras, crayon noir et stylos comme la veille,
ces douze petites strophes se déroulant sur des feuilles de Clairefontaine 224 g prises en diptyque et au format déplié A4. Brusques averses le 28, sirocco rageur le 29, début virulent de printemps.
Le poète Francesco Marotta, avec une dynamique sensible et vigilante, fait venir dans la langue italienne ce poème-portrait : https://rebstein.wordpress.com/2024/04/02/sentiero-costiero/ .
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Première partie
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1
Prénom m’importune.
Nom m’indiffère.
Si tu as envie
tu peux m’appeler Sentier Côtier.
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J’aime la pluie de nuit,
le vent qui tord les os et les troncs,
le fil blanc du ressac qui brode l’infini.
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2
Je n’ai pas l’esprit de fief.
Qu’après tempête
clôture tombe à la mer
me fait plonger de joie dans les remous.
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3
Je ne suis pas constitué.
Les coups dans mon enfance
ont déformé mon crâne à gauche.
Longtemps je n’ai su parler qu’en crabe
ou pas du tout.
Bondir du haut de la falaise devint mon art.
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4
Je suis aucun, je suis un, je suis tous,
toi compris que je hais ou que j’aime.
Mes yeux sur tes épaules
mes mains sur tes genoux
je te moule en m’esquivant
et te surprends dans le langage.
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5
Mais j’ai oublié de m’occuper de moi,
je n’ai ni nom ni corps,
je suis juste une maille du filet
ou deux mailles si tu veux me rejoindre
ou trois.
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6
J’improvise ma personne,
je sonne par monts et vaux
.
arpège archipel
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mais c’est déjà trop.
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un peu d’écume et d’embrun
tissant sente et trame
de vous à moi,
telle est ma préférence.
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Seconde partie
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7
Dans la vague qui retombe
se délabre ma vétusté
qu’elle emporte par affection ou cécité.
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8
Dans le rebond après le ressac
se dresse sur ses deux jambes
mon crâne-soleil
qui réfute tout docile profil.
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9
Grand éclat vers le haut,
marcher au bord de la falaise
convient aux semelles salées.
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10
Courbe totale de la vague et son élan vers le soleil,
Mozart aussi mange le gouffre
dans le souffle de la voix
de qui.
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11
Lente et vaste houle descendante,
les graviers me choisissent
dans la terre meuble,
lente houle me hisse parmi
les voiles que l’on hisse
depuis la moindre bruyère.
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12
Houle montante,
mon amoureuse improvisante
qui se cache derrière la montagne.
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Yves Bergeret
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L’inutilité du profil
Poème en trois parties, créé à Die le 24 mars 2024, sur un Leporello chinois à 24 volets au format déplié de 17 cm de haut par 288, à l’acrylique et à l’encre de Chine.
Révélant exactement qui sont Sam et Bram, le poète Francesco Marotta a traduit, tout en vivacité, ces trois strophes en italien :https://rebstein.wordpress.com/2024/03/26/linutilita-del-profilo/ .
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Elle court, la montagne,
par-dessus la ligne des toits,
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elle court avec sa forêt hirsute
chevelure défaite,
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elle court avec les vapeurs égarées du ciel
aux grands doigts écartelés.
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De l’aube à midi
au fil de mon ascension
sans répit deux chevreuils
que les buis cachent
m’ont aboyé le récit
du torrent de la vie.
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Rides certes de Sam et de Bram,
mais aucun profil.
Ton cœur t’a lâché,
tes artères se sont bouchées
vieux montagnard aux dents
dures comme quartz,
quartz, ton cœur lumineux,
circulaire quartz, ta vie cyclone.
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Le nuage sait aussi jeter son ombre sur le ciel,
surtout à l’aube, avant que les pieux,
à coups de gourdin, fassent tout chuter.
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Yves Bergeret
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Cris roc sel
Sur un Cahier « Codex lin », de Lamali, entièrement en feuilles de lin naturel fabriquées manuellement « à la forme » au Rajasthan, tant les 66 pages intérieures blanc écru de 220 g environ que la couverture beige de 350 g environ, de format 22,5 cm de haut par 16, voici cette suite de courts poèmes créés et calligraphiés à Crozon, au bout de la Bretagne, et à Paris, du 13 au 17 mars 2024.
Et voici que franchissant en six bonds les Alpes ces poèmes sont arrivés dans la langue italienne grâce au poète Francesco Marotta : https://rebstein.wordpress.com/2024/03/20/la-mano-del-fuoco/ .
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Cigales grillons chantent tempête
depuis le fond de la mer.
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Elytres ailes mâchoires en folie
carillon du soleil
carillon de ceux fous de vivre
ils bondissent et se cognent contre le ciel.
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C’est l’alouette qui les reprend la première
en lançant vertical très haut son trille
qu’elle bondit chercher
plus haut même que l’espoir.
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Ecoute les coups de gouge
de l’ébéniste d’il y a sept siècles.
Il a taillé comme étrave de sa barque
le hêtre de ma colline.
« Dors dans son ombre fébrile,
ton rêve est mon burin ».
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L’eau s’invente la cascade.
Je m’invente le récit.
Tout rebondit.
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Si le corps me lâche
j’ai toujours la main du feu
que je peux saisir
pour me ressaisir.
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Si la source en haut du village tarit
tu as toujours le regret le miroir
pour attraper la foudre qui ouvre
le ciel en deux et recommence la genèse.
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Dormir sous un plafond m’ennuie.
Je préfère le bord du cratère
ou le vestiaire du vent.
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Ne dors pas sur le sentier lui-même :
le caracal y chasse la nuit.
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Petites pierres qui roulent au ravin…
écoute bien ces osselets que le caracal
jette pour dénuder l’avenir
et le laver entre ses pattes et ton sommeil.
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Îles de l’archipel
terre distendue morcelée émiettée
disparate visage
l’eau salée est-elle un fil utile inutile…
depuis le fond de la mer
cigales grillons ma tendre fanfare.
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Quoi qu’il en soit
le volcan de chaque île
brûle les pattes velues du malheur.
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Yves Bergeret
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