Deux Coréennes

En écoutant un Pansori traditionnel coréen intitulé « Dit de demoiselle Sugyeong », dans une interprétation enregistrée en 2018

j’ai écrit et calligraphié les cinq strophes de ce poème à Briançon le 8 mai 2024, sur diptyques de Aquapad, Clairefontaine, 300 grammes, au format vertical de A3, que j’ai plié en deux, avec acrylique, lavis d’encre de Chine, encre de Chine, pastel gras gris et collages divers.

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Mains écartées,

paumes très plates,

les deux Coréennes parlent vite

très belles deux îles rocheuses petites

sans aucune brume

sans aucun gouffre

entre leurs syllabes

entre leurs doigts très fins

.

articulant si loin

depuis le fond de la gorge

que l’une après l’autre

avale le ciel minéral et noir

qui rebondit sur leurs cordes vocales

puis le ciel se fait météores météorites

.

Météorites petites épingles

plantées dans la peau de l’infini

bleu de jour, noir de nuit

juste leurs sons de gorge

que les deux Coréennes

dilapident depuis le sillage cru de leurs corps,

depuis l’ombre crue de leurs corps.

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Deux femmes à voix si graves

deux météorites dans les météores

du fond derrière la paroi du ciel

bâtissant peut-être l’épopée

à qui personne ne pense,

jetant leurs gutturales syllabes

qui leur sont pelletées puis coups de burin

et coups de pioche dans la chair

de l’être invisible entre leurs

quatre paumes claires.

.

Il reste quatre piliers

raides torsadés verticaux

diaphanes noirs

par-dessus les quatre angles

de la table qu’elles ont

soudain quittée,

quatre talons

dont leur cœur étrange

talonne la vie et les sables

du Glacier Noir.

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Yves Bergeret

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3 réponses à “Deux Coréennes”

  1. Sandrine Péricart dit :

    Ici, les sons ont des couleurs : jaune, orange, rose, bleu, gris. Ici, les sons ont des formes, d’une grande beauté. Les voix des chanteuses coréennes prennent les traits d’un corps humain : gorge, cordes vocales, évidemment, mais aussi mains, paumes et doigts qui leur servent à façonner un être qui vit de leur chant. La présence de ces voix dans le monde sensible est tangible ; elle sont si affûtées que c’est l’adverbe « très » qui semble en parler le mieux. Elles ont une matérialité comparable à celle de la pierre dans le monde physique, et une portée infinie dans le ciel. Et puis, quand elles se taisent…. Quand elles se taisent, ce n’est pas le silence, car même les voix qui se sont tues continuent dans la distance à agir, à être présentes, à compter.

  2. Xavier Lemaitre dit :

    Petit archipel vif argent issu du Levant éblouit le Ponant, étire les points cardinaux, sublime l’oxymore, essaime l’univers.

  3. Colette Klein dit :

    Somptueux ! Même si l’artiste nous en donne les couleurs, dommage qu’on ne puisse aussi entendre ce Pansori…

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