Résister Accueillir

Dans l’écoute fidèle de Nuits, pour 12 voix a cappella, 1968, de Iannis Xenakis, œuvre tenace de soutien et d’hommage à tout persécuté, j’ai créé ce poème en trois strophes sur quadriptyques de format déplié A2 Canson 200 g, à l’acrylique, divers collages et encre de Chine, à Veynes le 26 juin 2024

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1

Ta montagne glisse, Prométhée.

La voici tête en bas.
Parle-lui dans le creux de l’oreille.

Elle ne brise jamais jambe à personne.

Haine ou xénophobie la révulsent.

Ta montagne glisse.
Tâte son front lisse.

Que cherche ta montagne ?

.

2

Elle cherche à remonter.

Elle cherche l’appui, l’étai,

le ressort, la lumière qui dès l’aube

brille, Prométhée, dans ta parole

qui nous appelle tous

à écouter, à accueillir,

à comprendre, à rire, à aider.

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3

Des fanatiques de la violence

veulent te faire trébucher, Prométhée,

et faire s’écrouler sur toi ta montagne.

Prends des roches sonores,

prends des crêtes vigilantes

et bâtis.

Rappelle nous à chaque bourrasque

que tout réfugié est part vive et noble

de notre âme.

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Yves Bergeret

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2 réponses à “Résister Accueillir”

  1. Colette Klein dit :

    Excellent. J’aimerais être cette montagne qui triomphe de la peur.

  2. Sandrine Péricart dit :

    À la lecture de ces calligraphies, texte et peinture/collage, je pense : l’esthétique parle tout à la fois aux sens et à l’intelligence. Elle se construit par le lecteur/spectateur, dans un chemin que vous lui donnez à parcourir.

    Je pense : c’est beau. Ardu et beau. Votre art ne se donne pas, il se conquiert.

    Il n’a aucune ostentation. Il a de la vérité : la vérité de l’artiste au monde (qui est la montagne).

    Le texte est noble, avec une dimension éthique particulièrement appuyée, ici. Prométhée pour horizon, guide, mesure. Je vais vous faire bondir et rebondir sur votre unique jambe : il a une dimension charismatique, c’est-à-dire CHAR + CHRISTIQUE, ce Prométhée-là.

    Char, c’est évident, vous voyez pourquoi, en ce moment.

    Mais aussi : j’ai lu il y a quelque temps La Vie de Jésus d’Ernest Renan. C’est une des premières biographies « sérieuses » du « messie ». Vous savez peut-être que Renan est un ancien séminariste que le désir de vérité en ce XIXe siècle positiviste, et l’étude de l’hébreu (donc accès aux sources) ont fait bifurquer, car il s’est aperçu que le catholicisme reposait sur des dogmes tout à fait fantaisistes. (Il sera blâmé et son livre mis à l’index).

    Je me suis dit, en lisant Renan, que Jésus était un Poète. Il est peu aimé de ses parents : il les quitte très vite ; il erre et vit de peu, dans cette « Terre promise » aujourd’hui ravagée, Judée et Galilée. Il apprend sans doute auprès de Jean-Baptiste le prêche. Ses sermons ont beaucoup de succès : mais ne s’agit-il pas de performances artistiques ? (Je donne donc à la performance de l’artiste un sens sinon spirituel, du moins profond).

    En effet, dans celles-ci, il s’exprime à l’aide d’images et de paraboles très marquantes (il n’est d’ailleurs pas l’inventeur de toutes, mais il les agence de façon forte). Il y a vraiment de belles paroles. Réinventant le père absent, l’amour absent d’un père « aux cieux », pour lequel il faut sacrifier liens matériels et affectifs (il faut aimer Dieu plus que sa famille), il propose comme modèle un idéal, un horizon d’attente, une « réalité » qui définit et oriente la vie. De plus, il promeut une éthique nouvelle, une morale kantienne avant la lettre. Enfin, il renverse l’ordre établi (il déteste les riches : cf « il est plus difficile pour un riche d’entrer au royaume des cieux qu’un chameau par le chas d’une aiguille »).

    Ce meneur de foules est un frondeur sans peur : il s’oppose par exemple à la lapidation prescrite par la loi. Désobéissance civile ?

    C’est ce fauteur de trouble qui sera mis à mort. Et c’est à ce « poète » que me renvoie ici la figure de Prométhée telle que vous l’évoquez : pas à l’imagerie de la « passion » ou du « sacrifice » que le mot « christique » sous-tend souvent.

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