Mains solides
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Voici la splendide version italienne de ce poème, par le poète Francesco Marotta : https://rebstein.wordpress.com/2022/12/31/lo-sguardo-che-ascolta/ (en deuxième partie de cette publication italienne)
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1
Entre la paume et le dos de ta main
l’étranger glisse la lettre qu’il n’ose t’écrire.
Alors tu ouvres tes doigts.
Aussitôt l’océan t’incruste le sel qui a mangé son frère noyé.
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2
Au troisième barreau de mon corps
se repose l’enfant martyr.
Au cinquième la parole devient plus fidèle que le granit.
A quoi nous fera accéder ce corps-échelle, nul ne sait.
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3
Chaque expiration mienne te répond.
Je n’ai pas de contour privé.
Les montagnes sont mes talons.
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4
Dans la nuit de la ville,
sois ma bougie,
dans le souterrain du port
où tous crient à la fois.
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5
Tu as cherché au creux de tes coudes
et à l’arrière de tes genoux
le meilleur visage de ceux qui s’accrochent
désespérément à toi.
Mais ils sont toujours partis,
tombent ailleurs, dans le pré bruyant,
dans l’atelier mécanique où on dépèce
la parole et ils n’ont plus ni père ni mère.
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6
Plus je monte
moins je vois que l’on verrouille les portes.
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7
As-tu écouté l’ombre et son pas tremblant
au bord du vide ?
Ce qu’elle dénie, l’as-tu relevé
et en as-tu mis au soleil le sourire ?
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8
J’écarte la menace, son sabre, son insulte.
Je remonte l’avalanche à son surplomb.
Tout l’espace est humain à présent.
Ni borne ni enclos.
Juste la ronde du rire.
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9
Les montagnes se sont mises en route.
Les torrents remontent les pentes.
Il ne reste de neige que dans ma gorge
mais derrière la crête tu chantes avec mon fils,
ta main calleuse trouve le chemin de ma main calleuse.
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Yves Bergeret
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5 réponses à “Mains solides”
Rètroliens / Pings
- 01/01/2023 -
C’est la main calleuse des hommes qui se reconnaissent frères et fils de la terre (c’est-à-dire de la mer, des torrents, de la montagne et des mots qui disent tout cela).
Soit c’est génial et nous ne sommes pas équipés intellectuellement pour le comprendre,
soit c’est juste un amphigouri et il n’y a donc rien à comprendre…
;p
Poème parole adressée.
Poème du regard, de l’écoute, de la mémoire.
Poème main tendue, corps-échelle de coupée, souffle solidaire.
Poème de l’épreuve partagée, de la révolte indignée, de l’avant-bras en avant garde.
Poème du pas en avant, de l’ascension en cordée, d’avenir…
Poème rire libérateur, danse fédératrice, chant du monde.
Poème viatique.
Les mots dansent, leur sens m’échappe … Qu’importe, les mots chantent et leur musique me touche