REBONDS 5, Parle qui grimpe
En suite immédiate à REBONDS 1, 2, 3 & 4, poème créé et calligraphié (encre de Chine et lavis de cette encre) à Die, sur un papier renforcé en format 215 cm de haut par 60 de large le 6 juillet 2022.
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On lit Parle qui grimpe en italien dans une version libre et très inspirée du poète Francesco Marotta ; la voici : https://rebstein.wordpress.com/2022/08/06/immensa-materna-montagna/
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REBONDS 1 existe déjà, soutenu par un chœur a capella en musique contemporaine (une partition remarquable d’Edison Denisov) ; REBONDS, de 2 à 5, sera créé en musique contemporaine de manière imminente avec violoncelle, voire chœur a capella, ou encore autre formation sonore ; viendra très prochainement REBONDS 6, de même. Ces sept éléments, sous l’unique titre REBONDS constitueront une œuvre vaste, au moins poétique, plastique, musicale, scénique ; voire dans d’autres dimensions encore.
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Je tends le bras gauche
jusqu’à la grotte où naît le vent,
Je tends le bras droit jusqu’au lit
où accoucha de moi ma mère.
Je serre mes dix doigts
Je me hisse, c’est la paroi.
J’en fais tomber la nuit.
J’en fais fondre les clous de souffrance.
Je grimpe.
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Autour les autres montagnes s’abaissent
et je grimpe.
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Mes doigts cherchent les marches inversées,
je m’agrippe et grimpe.
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La peur tombe.
Sur la Terre aux longues jambes écartées
je serre mes doigts.
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J’ouvre la masse.
J’allège. Je trouve le rire dans la pierre.
Dans son rire je me dissous.
Ma paroi est la porte du monde,
je l’ouvre.
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Maternelle immense montagne
résonante et souple,
belle telle cloche d’airain
baisant l’océan en toute pierre,
grimpeur je suis son battant
cognant léger au concave
ventre de la montagne,
Je grimpe,
j’ouvre la montagne qui me hisse.
Elle et moi sommes le bourdon
du chœur de toutes et tous
qui souffrent et luttent et cherchent
sommeil si ce n’est paix,
qui cherchent à la belle étoile répit,
la nuque juste posée sur la pierre
sur la prise que je prends
pour ancre dans le haut vide,
pour ancre de ma barque sans nom,
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qu’au bout de mon bras
je prends pour élan de ma vie
effilée dans les fumerolles.
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Yves Bergeret
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5 réponses à “REBONDS 5, Parle qui grimpe”
Rètroliens / Pings
- 06/08/2022 -
On grimpe dans le monde offensé, dans l’écriture, dans l’écoute – on grimpe vers la liberté et l’amitié, vers le « nous », on grimpe vers le ventre de la terre: en haut.
Le poème-peinture de Rebonds 5 n’est que montagne, paroi, plis de roche. Les mots semblent pris dans la pierre, prises pour grimper, se hisser dans le poème. Chant à venir ? Mais ils s’échappent déjà de la toile ! On les voit, et on les entend : « mère », « mater », « vent », « paroi »… Il est déjà chanté, ce poème, par l’encre de Chine, par le lavis : on voit, on entend les voix qui répètent et reprennent, se complètent, s’entrelacent, qui suivent l’une la partition du vent, l’autre celle du cœur battant de la montagne au ventre rond accouchant du poème…
Cela commence par le premier geste du grimpeur qui écarte les bras pour chercher prise, et sa joie profonde est fulgurance. Son geste l’extrait de la pesanteur, des limites du corps, du réel, de la gangue des douleurs. Une autre prise, et le bas et le haut n’ont plus sens. Encore une autre, voici que même celui qui n’a plus ni jambes ni bras ni doigts monte avec lui.
Ouverte, la montagne s’est faite cloche, le grimpeur son battant, et un son profond et pénétrant retentit à travers voyelles et consonnes. Restons là un long moment, « la nuque juste posée sur la pierre », l’oreille contre le ventre de la montagne, à écouter battre la vie.
Sûr que vous êtes l’enfant de la montagne, né de ses plis et replis, engendré par la parole du vent… !
Grimper, mener au plus haut l’expérience et la joie de vivre qui font « tomber la nuit » de la paroi, font de l’effort la clé qui ouvre la montagne pour y trouver le monde et le sommet de soi.