L’aval & l’amont, l’espoir & le bois, de Gianluca Asmundo & Yves Bergeret
Œuvre créée « à quatre mains » par Gianluca Asmundo et Yves Bergeret sur le lit de galets du Bez, torrent de Châtillon-en-Diois, près de Die, le jeudi 30 juin 2022, en deux exemplaires, chacun sur deux quadriptyques de Fabriano Rosaspina 220 g au format déplié de 35 cm de haut par 100 de large ; Gianluca Asmundo, venant de chez lui à Venise, remontant toute la plaine alluviale du Pô, franchissant les Alpes, a écrit ses phrases au crayon noir, a sur le papier appliqué à la main un peu de limon du torrent, enfin a posé de l’acrylique brun en roulant sur le papier un bois flotté de ce torrent enduit de ce brun ; et, sur ce même papier, Yves Bergeret a écrit ses vers au stylo d’encre de Chine par-dessus ses gestes d’acrylique bleu intense, bleu léger et violet.
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Le troisième élément de ce premier quadriptyque existe dans une splendide version italienne du poète Francesco Marotta. La voici : https://rebstein.wordpress.com/2022/08/10/dimore/
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I
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1
Legni e acque naufragate, condotte dallo scirocco fino alle lagune dove le forze dei fiumi e del mare hanno consolidato dialogo ed equilibrio sedimentato nel lungo tempo.
Morceaux de bois et eaux naufragés, conduits par le sirocco jusqu’aux lagunes où les forces des fleuves et de la mer ont consolidé dialogue et équilibre sédimenté dans le temps long.
(G.A.)
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2
Dalla porta di legno aperta sul mare, la sabbia e la siccità scalano la pianura, sotto la vela del plenilunio in perigeo; l’aridità del deserto e il sale del mare non devono risalire fino alla montagna, dove il solco delle mille impronte umane apre i confini, seguendo il canto e il viaggio doloroso della geografia che migra.
Depuis la porte en bois ouverte sur la mer, le sable et la sécheresse gravissent la plaine, sous la voile de la pleine lune à son périgée ; l’aridité du désert et le sel de la mer ne doivent remonter jusqu’à la montagne où le sillon de mille empreintes humaines ouvre les frontières, en suivant le chant et le douloureux voyage de la géographie qui migre.
(G.A.)
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3
Le torrent met l’espace dans son lit.
L’espace met l’homme dans le lit du torent.
Le torrent porte à l’océan l’homme allongé.
Debout voyage l’étranger
qui met l’espace dans sa gorge et le chante.
(Y.B.)
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II
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1
Portando l’acqua dolce-salata dai delta sul mare liquido fino alle sorgenti sgorgate o disciolte dal mare minerale, gli alberi traducono la lingua dei diversi flussi e sono un’acqua di legno.
En portant l’eau douce-salée depuis les deltas sur la mer liquide jusqu’aux sources jaillissantes ou asséchées de la mer minérale, les arbres traduisent la langue de mille flux et sont une eau de bois.
(G.A.)
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2
Personne ne sait déplacer les marches de la montagne.
Son escalier n’a pas de tête.
Tu descends à l’infini les marches
qui se soulèvent toujours plus étrangères.
(Y.B.)
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3
Dove si innalzano le falesie regali e il caos della montagna frattura la frontiera, i pezzi di barca tornano alberi, al garrire di rondini e frinire di cicale. Il gorgoglio del torrente che scrive la sabbia di calcare e canta il limo di conchiglie future sostiene il racconto senza fine dello spazio in cammino.
Là où s’élèvent les falaises royales et où le chaos de la montagne fracture la frontière, les morceaux de barque redeviennent arbres, sous le cri des martinets et le crépitement des cigales. Le grondement du torrent qui écrit le sable calcaire et chante le limon des futurs coquillages porte le récit infini de l’espace en chemin.
(G.A.)
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3 réponses à “L’aval & l’amont, l’espoir & le bois, de Gianluca Asmundo & Yves Bergeret”
Rètroliens / Pings
- 10/08/2022 -
A reblogué ceci sur Peripli // Post Scriptum.
C’est, toute entière, l’Histoire de l’espace que nous parcourons, trébuchons et où parfois mourrons.
Ce sont les étages, mais à la différence de Marcel Duchamp, ils sont ici vécus et surtout libérés des incendies philosophico-dramatiques.
Enfin, ce sont les espaces étagés, où les hommes virevoltent de différends côtés, où se déroule le jeu de Bacchus, les saisons de Dionysos.