REBONDS 4, Grimper

Deux poèmes créés et calligraphiés (acrylique et encre de Chine) le 26 juin 2022 vers 2600 mètres, au dessus de la Balme de François Blanc, au bout de la moraine latérale vertigineuse du Glacier Noir, non loin de Briançon, sur deux papiers renforcés en format 215 cm de haut par 60 de large, directement sous les immenses face sud de la Barre des Ecrins, face nord du Pelvoux avec son arête nord de la Pointe Puiseux, face nord du Pic sans Nom, face nord des Ailefroides, face est du Pic Coolidge, culminant tous entre 4100 et 3700 mètres ; sur eux j’allais en tous sens dans ma jeunesse, peut-être ancêtre des martinets alpins géants à ventre blanc qui strient le ciel de cette moraine.

*

De ce poème, le poète Francesco Marotta crée la très ferme version italienne que voici : https://rebstein.wordpress.com/2022/07/03/scalare/

Entre mains calleuses

au bout d’avant-bras noueux

et les très hautes roches raides

une fumerolle :

toi.

.

Tu as deux âges à la fois : la lave et l’érosion,

en somme deux limes radicales

comme deux fils noirs, félins.

Souples tels félins.

Ne se croisant que sur la paroi,

tels vols et cris de martinets.

.

Cris fusant du haut

traversant l’espace,

le bel espace rêche,

ivoire doré,

et tu le traverses.

L’espace pour toi

hoche sa tête.

La sueur qui tombe de son front

forme les montagnes,

gouttes de l’espace

toutes nées de ton cri double sur la paroi.

*****

Version complète non calligraphiée :

.

Corps naissant de la paroi

fumerolle

.

entre mains calleuses

au bout d’avant-bras noueux

et les très hautes roches raides

une fumerolle en lutte,

mobile :

c’est toi.

.

Tu as deux âges à la fois : la lave et l’érosion,

en somme deux limes radicales.

Oui, telles deux fils noirs.

Souples tels félins.

Ne se croisant que sur la paroi verticale,

deux fils, vols et cris doubles de martinets

sans jamais collision ni heurt.

.

Cris, sons fusant du haut

puis traversant l’espace de la droite à la gauche,

traversant, le portant, le bel espace rêche,

ivoire et gris et doré,

tu le traverses.

D’une oreille à l’autre de l’espace

qui hoche pour toi sa tête.

La sueur qui tombe de son front

forme les montagnes,

gouttes de l’espace

toutes nées de ton cri double sur la paroi.

.

Ta gorge grimpe lente

par devant la lumière,

ta gorge va l’amble

dansant

valsant

avec qui sait entendre.

.

*****

A grandes enjambées va la montagne

sur la mer et la douleur secrète des hommes pauvres,

.

brassées d’humanité dans ton geste quand tu grimpes,

la mer porte la montagne et ton geste et le long

labeur des bâtisseurs,

la mer s’appelle montagne.

*

*

Yves Bergeret

*****

***

*

7 réponses à “REBONDS 4, Grimper”

  1. Sandrine Péricart dit :

    « Au milieu de la paroi, là où se croisent les traits de pinceau, les mots inclinés, les trajets des martinets et celles des alpinistes traçant leur propre voie, je monte un espace d’accueil, mouvant et magnifique.
    Je suis le cœur tenace des actions qui s’accomplissent hors piste. »

  2. KLEIN Colette dit :

    Ascension physique et spirituelle se complétant, sur le fil d’une beauté à couper le souffle !

    • carnetlangueespace dit :

      Merci vraiment : et en effet la longue diagonale bleue (celle du premier poème) striée de larges fils noirs en son centre est, en outre, le Pilier Sud de la Barre des Ecrins, une des plus belles parmi les voies très difficiles du massif de l’Oisans (je l’escaladais en 1970 et de nouveau 1971, si je me rappelle bien les dates).

      Yves Bergeret

  3. vengodalmare dit :

    Scalare le montagne, con la sua poesia e calligrafia, è una esperienza impareggiabile.
    Le parole stesse sembrano braccia che si arrampicano sempre più verso il cielo, i tratti del pennello diventano via via aria rarefatta e leggera. Bellissimi.
    E grazie per tutto questo.

    • carnetlangueespace dit :

      Traduction du commentaire de « vengodalmare » :

      Escalader les montagnes, avec votre poésie et calligraphie, est une expérience incomparable.
      Les mots eux-mêmes semblent des bras qui grimpent toujours plus vers le ciel, les traits de pinceaux deviennent peu à peu un air raréfié et léger. Très beaux.
      Et merci pour tout ceci.

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