Arbre
Poème écrit par Yves Bergeret le 8 mars 2020, avec neuf dessins à l’encre de Chine et au piquant de porc-épic, créés dans le déroulement où ils sont ici, au format 22 cm de haut sur 17, par Belco Guindo à Bonko, sur le haut plateau de la montagne de Koyo, le 22 juillet 2005.
On lit en italien ce poème dans une traduction d’une beauté dense et radicale, grâce au poète Francesco Marotta, à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2020/03/10/arbre-lalbero/
1
Il y a des étoiles dans le ciel
et des montagnes sur le sol.
Il y a des arbres, très peu,
dans les étoiles et les montagnes.
Entre montagnes et étoiles vont les racines.
Elles peuvent servir d’échelles.
Leurs barreaux percutent en rythme le vide.
Cette percussion est le récit du monde.
2
Des personnages faibles,
aux épaules inarticulées.
Certainement ils attendent.
Ils montent les bras et baissent les bras.
Tout à fait immobiles par ailleurs.
Ils n’ont jamais appris à voler.
Ils ne sont pas sur le sol.
Ils sont sur le miroir,
le miroir lisse de leur gesticulation.
Ils croient qu’ils voient dans le miroir.
Par le miroir ils croient qu’ils voient
les étoiles et les montagnes.
3
Poussé par sa propre sève
le récit est une main
très grand ouverte ;
ses multiples doigts étirés dans la nuit
touchent les tréfonds du courage,
remuent les graines de la vie
qui sont les perles noires de diamants-mots.
Le centre de la paume est un carrefour.
Pas une clairière. Un carrefour.
4
Jamais miroir ne saurait être carrefour.
Les graines sèchent à plat,
c’est le savoir-faire que l’on reconnaît aux miroirs :
séchoirs.
5
Les gens aux épaules tristes cherchent.
Ils veulent trouver les barreaux de l’échelle.
Ils veulent monter et aller ;
sous la plante de leurs pieds
qui n’ont rien où marcher
ils sentent bien l’air battre en rythme.
Ils clament « poignard »
puis « couteau » puis « harpon »
mais rien ne se rejoint, tout cela glisse
sur le miroir, rien ne va se lier
et le vide entre eux tous n’a pas d’oxygène.
6
Le sixième jour l’un dit (car il avait vu) :
« il existe l’arc-en-ciel.
Il est doué d’existence.
Il pénètre le ventre languide du temps.
Au dessus du ventre, cela je l’ai bien vu,
l’un de nous est déjà arrivé tout en haut.
S’est retourné, là-haut le vent souffle.
Il tient de ses mains neutres
un grand voile qu’il peut laisser retomber
sur le ventre ».
7
Vers l’arc-en-ciel
et la bouche du ventre
se forme le nuage.
Le dessus du nuage est un pré.
L’arc-en-ciel s’y resserre
et s’y tend comme un ressort.
Le rythme des barreaux d’échelle
ne faiblit pas. Il y a de l’harmonie en lui.
L’un d’entre nous tend entre ses doigts
une herbe noire et souffle sur elle.
L’herbe vibre.
L’herbe parle en avalant les couleurs.
Seule.
8
C’est l’herbe qui nomme les arbres, un à un.
C’est l’herbe qui distribue la lumière
et la paix. C’est l’herbe et le rythme
qui reprennent la chair du nuage
et l’étendent sous les pieds des êtres pâles.
L’herbe n’est jamais suffisamment toxique
pour dissoudre les mots « poignard », « couteau »…
mais elle tourne autour des racines
qui vaquent des étoiles aux montagnes,
mais elle accomplit que la personne humaine
est toujours un nouvel arbre, parmi les vents stellaires.
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Rètroliens / Pings