Les grandes images, à Naples, septembre 2017
Poème créé par Yves Bergeret en deux exemplaires du 21 au 25 septembre 2017 à Naples sur sept quadriptyques verticaux (100 x 35 cm) de Rosaspina 225 g de Fabriano, à l’acrylique et à l’encre de Chine, avec en collages cinq dessins que Soumaïla Goco Tamboura a faits pour le poète dans le désert au nord du Mali en juillet 2008, et avec par ailleurs deux petites gravures de 1880 et un élément d’une page d’un cahier de comptes que tenait en 1907 un charbonnier à Crest, près de Die.
Ce poème en sept quadriptyques est splendidement traduit en italien par le poète Francesco Marotta à cette adresse : https://rebstein.wordpress.com/2017/09/30/le-grandi-immagini/
1
Voilà qu’on a voyagé sur la mer en tous sens
et même jusqu’à la zone des grands meurtres.
On est parti de son village dans les terres
et voilà qu’on cherche le vrai nom de son village,
de sa propre personne et de la vie elle-même.
Des naufrages, des tempêtes, des îles.
On rebondit de rive en rive.
On écoute des contrechants de sirènes.
Chacune dit une syllabe aux ornements fatidiques.
2
On s’est approché des volcans
qui fondent la violence
et la recrachent en lave vers la mer.
On a vu certains s’allonger, l’oreille collée à la cendre.
Certains parmi nous
ont jeté sur des parois
les mesures du ciel et du souffle
qu’ils avaient prises dans leurs grandes traversées
et ils ont envoûté le rouge, le blanc et le noir
pour recomposer par images des bribes de récit
que les volcans dilapident.
3
Au cœur de la ville au cœur de la mer
l’un a déployé par images sur des voûtes
les maillages sacrés qui vrillent
la tête de trop de gens
puis les a dédoublés dans d’autres ésotérismes
puis les a cisaillés dans des traits géométriques
noirs, coups de hache dont résonne
l’arbre au centre du monde.
4
Coups de hache,
coups frères de ceux de ta hache, vieux chroniqueur tué
et qui ne meurt jamais,
coups de ta hache dans l’arbre,
heurts de ta voix dans le creux du ciel,
coups dans le grognement archaïque de la mer,
secousses dans le rien.
5
Chaque coup ouvre donne une trace noire nette,
jambage de la lettre à venir,
gueule qui lance le son dans la voyelle de paix claire
puis lance la coquille de la consonne et de l’adjectif.
6
Coup, trait qui nomme et trace.
Ici balbutie la grande mère sans âge.
Chante à syllabes claires tranchées
la grande mère qui écarte les eaux.
Chante juste derrière les épaules du volcan
celle-là que les coups du peintre,
que les coups du chroniqueur
réveillent et refondent.
7
De la mer aux vagues écartées
émergent les épaules ruisselantes
des grandes images, celles et ceux qui se sont attelés
à la parole, qui se sont attelés à un nom,
Moïse qui bégaie, Billy Budd qui tombe,
David qui tend sa harpe, Char qui claque par éclairs,
le chroniqueur esclave qui porte le monde,
splendides étrangers.
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Rètroliens / Pings