Ankindé seul 孤独的安金德

Ce poème fait partie de l’Acte III de Carène ; il a été présenté et joué à Poissy le 9 juin 2017 dans une production d’ArtYvelines. Il est ici traduit par Zhang Bo, poète de Nankin.

 

Ankindé va en haut de la colline

tout en haut du bourg d’Aidone.

On ne peut plus habiter plus haut.

Cent kilomètres à l’est le volcan brûle.

Ankindé prend un vent dans sa main gauche

et dans sa main droite il attrape la guirlande noire

des noms de toutes les îles que le vent survola.

Dans sa main gauche le vent se débat.

Et rage. Ecorche la paume d’Ankindé.

Et refuse à toute force de voir les noms des îles.

Ankindé alors s’amenuise, se durcit, se glisse

dans le noyau de la rage du vent.

Il blanchit la rage du vent.

Le volcan rentre dans la brume et s’éteint.

Ankindé ouvre sa main gauche,

le vent se retourne sur le dos, on voit son ventre blanc.

Ankindé devient l’onde du ciel

et l’onde va entrer dans le grand récit.

安金德走向丘陵高处 (1)

阿依多内村的最高处。

无人能在更高处栖居。

向东一百公里火山在燃烧。

安金德用左手握住一阵风

用右手捉住由风飞过的一切岛屿的名字

组成的黑色饰带。

在他的左手中风在挣扎。

在发怒。擦伤安金德的皮肤。

竭力拒绝去看岛屿的名字。

于是安金德变小,变硬,滑进

风的怒火的核心。

他漂白风的怒火。

火山归于薄雾并渐渐止熄。

安金德展开他的右手,

风翻身仰卧,人们看到它的白腹。

安金德成为天空的波浪

波浪将涌进伟大的叙述。

*

 

 

Ankindé se rappelle un refrain de chant de chasse :

son grand-père le chantait une heure avant l’aube

et partait en pleine brousse

là derrière le fleuve sec de la peur

là où les lionnes se laissent téter

par les génies des orages et des vents.

安金德回想起一段捕猎之歌的曲调:

他的祖父曾在黎明前一小时唱起这旋律

然后走向荒野

在那干枯的恐惧之河后面

在那狮群任由暴雨和狂风的精灵

哺育的地方。

Ankindé se rappelle les minuscules dessins à ne pas regarder

qu’on cousait dans une menue bourse de cuir

à porter au cou pour chaque voyage.

安金德回想起在人们每一次旅行都挂在脖颈上的

皮质锦囊中缝缀的

不得观看的精细图案。

Ankindé se rappelle mais hésite,

se rappelle mais trébuche,

se rappelle mais ne sait pas nager,

se rappelle mais préfère l’amitié du vent blanc

se rappelle mais hume la peau de sel de l’avenir,

peine à se rappeler, perd la soif, lance le fil

du haut de la colline entre les buissons que le vent tort,

lance le fil de son récit qui entre

et entre dans la caverne chorale du grand récit.

安金德回想但却犹豫,

回想但却失蹄,

回想但却不知如何划水,

回想但却偏爱白风的友谊,

回想但却嗅闻未来之盐的表皮,

艰难地回想,失去焦渴,从丘陵顶端投出线索

在风绞过的荆棘之间,

投出他叙述的线索这叙述进入

进入伟大叙述合唱的洞穴。

“ Le ciel est ma caverne tiède ”.

Le ciel est la carène de la barque retournée.

“天空是我温柔的洞穴”。

天空是返程舢板的船壳。

*

 

 

Une heure avant l’aube le merle de mars

chante à toute force dans l’oliveraie

au bas de la colline. Il dresse les oliviers,

il enfle la colline, il incline les chemins du ciel.

Il n’y a pas d’amarre au pied de la colline,

il n’y a pas la mer au pied de la colline.

Seulement les vagues terreuses et la houle râpeuse du futur,

les bourrelets boisés et les vallons noirs qui vont et viennent

dans les reprises du chant du merle.

Seulement le futur écroulé de sommeil sur lui-même

comme l’homme piteux sans enfants ni petits-enfants ni neveux.

Le merle à toute force chante en bas dans l’oliveraie.

Ankindé en haut de la colline taille des marches

dans l’éboulis céleste, dans la caverne du ciel,

conduit encore plus loin les chemins du ciel

doucement sur le ventre blanc du vent tiède et dur.

黎明前一小时海鸦

竭尽全力在丘陵底部的

橄榄园中歌唱。它竖起橄榄,

它放大丘陵,它弯下天空的道路。

在丘陵脚下没有缆绳,

在丘陵脚下没有大海。

只有大地的波浪与未来粗粝的海涛,

树木繁茂的山脊与黑色的山谷来来往往

在乌鸦反复的歌声中。

只有因沉睡而崩塌的未来

好似一个没有子孙后代的可怜人。

乌鸦竭尽全力在低处的橄榄园中歌唱。

丘陵高处的安金德开凿台阶

在天国的废墟中,在天空的洞穴中,

把天空的道路引向更远的地方

轻轻地在温柔而严酷的风的白腹上。

*

 

(1)

安金德是来自非洲某个具有泛灵论文化背景种族的男性名。许多非洲人在成为穆斯林后更常使用穆斯林化的名字,本诗的主角则选择保留其传统的泛灵论名字。

 

 

*****

***

*

 

 

 

 

5 réponses à “Ankindé seul 孤独的安金德”

  1. veron dit :

    Ce poème nous fait comprendre que nous appartenons au monde mais que nous ne sommes pas le monde comme Ankindé l’est. S’il tient le vent dans ses mains c’est qu’i connaît la parole du vent, le vent porte la parole, Ankindé devient nuage qui est promesse non pas de pluie mais de la forme liquide de la parole. Il faut retrouver le grand récit en entrant dans la caverne où il est révélé. Mais nous entendons le chant du merle et nous savons où est l’oliveraie. Laissons faire Ankindé qui fera que pour nous, ignorants et étonnés, le ciel deviendra la carène de la barque retournée.

  2. carnetlangueespace dit :

    Merci pour votre magnifique commentaire, qui est lui-même un poème.

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